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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 21

Le mardi 14 décembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 14 décembre 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le décès de l'honorable R. James Balfour, c.r.

Hommages

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, pas plus tard que la semaine dernière, je me suis entretenu avec notre collègue Jim Balfour, dont le décès survenu dans la nuit de dimanche nous a tous affligés. Il était comme il a été pendant toute sa vie - une vie marquée par plus d'une tragédie personnelle -, c'est-à-dire stoïque, énergique et, par-dessus tout, optimiste. Il est mort à la suite d'une longue maladie, qui a nécessité des traitements difficiles et douloureux, sans pour autant entamer sa volonté de vivre. Jamais je ne l'ai entendu se plaindre ou même montrer des signes de découragement, même quand il a appris que toute intervention médicale s'avérerait inutile.

Je laisse à d'autres, plus compétents que moi, le soin de faire l'éloge de sa brillante carrière, tant privée que publique. Ce qui me frappait chez lui, c'étaient les traits caractéristiques qui faisaient de lui un estimé collègue et ami. Loyal, dévoué et engagé, il était toujours prêt à siéger quand son vote était requis, au détriment d'obligations personnelles urgentes, et toujours désolé quand la maladie l'empêchait de prendre part aux travaux du Sénat. Combien de fois lui a-t-on dit de faire passer sa santé en premier lieu et combien de fois n'en a-t-il rien fait?

Encore l'année dernière, durant une période de rémission, alors que son cancer semblait avoir été vaincu, il a accepté avec enthousiasme la présidence du sous-comité des affaires des anciens combattants, quand le sénateur Phillips a pris sa retraite. Il croyait que dans ce rôle, il pourrait contribuer à l'amélioration des conditions de vie de ceux et celles qui ont servi leur patrie. Il a toujours regretté que le sort soit intervenu si brutalement.

Que ce soit au caucus, au Sénat ou au sein d'un comité, ses interventions étaient toujours écoutées avec beaucoup d'attention car sa sagesse et sa logique donnaient une tournure particulière à tout débat. Être sage, c'est posséder l'expérience et la connaissance et savoir les appliquer judicieusement. Ainsi en était-il de Jim, aussi bien au Parlement en tant que membre éminent que chez lui comme fidèle ami. Certes, il y a quelque consolation à penser que ce deuil est partagé par quelques-uns, mais cela ne réduit en rien l'immensité de notre perte. J'offre mes sincères condoléances à sa famille.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je déplore, avec mes collègues, la disparition du sénateur Jim Balfour. Le sénateur Balfour était un de mes amis, comme il l'était pour beaucoup d'entre vous. J'ai appris à mieux le connaître lorsque nous faisions tous deux partie du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, dont j'ai été président pendant de nombreuses années durant lesquelles il en était lui-même vice-président. J'ai beaucoup apprécié Jim Balfour et l'incroyable expérience dont il a fait profiter cette Chambre en tant qu'avocat, homme d'affaires, ancien député fédéral et sénateur. Grâce à son expérience, il était capable d'aller au coeur des problèmes et de faire une énorme contribution au bon gouvernement du Canada, ceci par l'intermédiaire du Sénat.

Je n'ai pas fait partie du sous-comité avec lui dans cette capacité, mais j'ai observé le sénateur Balfour dans son rôle de président du sous-comité chargé d'examiner les questions de la défense nationale, notamment le rôle de maintien de la paix que joue le Canada dans le monde. En 1993, le comité qu'il présidait a déposé dans cet endroit un rapport qui relevait absolument de la prescience. Il identifiait des points qui, si on s'y était attaqué alors, auraient permis d'éviter un grand nombre des problèmes auxquels se sont heurtés nos efforts de maintien de la paix ces dernières années.

Le sénateur Balfour aimait sa famille. Je le sais parce que nous étions amis, et à cause des nombreuses discussions que nous avons eues durant la maladie de son épouse et d'autres événements familiaux, dont certains tragiques. Le sénateur Balfour, son bon sens et sa vigueur nous manqueront énormément. Je me joins aux honorables sénateurs pour adresser à sa famille mes très sincères condoléances.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, cela fait 38 ans que Jim Balfour et moi sommes amis. Nous sommes arrivés au Sénat le même jour, cela a fait 20 ans l'automne dernier. Nous étions voisins de banquette. Penser à sa vie et à sa mort revient à méditer sur le courage et la tolérance.

En 1958, à l'âge de 30 ans, Jim Balfour a perdu son unique frère à l'issue d'une longue et douloureuse maladie. En 1990, Jim et sa femme Jane ont perdu leur plus jeune fils de façon tragique. En 1994, Jane est décédée d'une longue maladie qui l'avait fortement affaiblie. En 1996, Jim a reçu de ses médecins un pronostic prévoyant sa propre mort.

Sa famille, quoique non épargnée par les malheurs, était très talentueuse et elle a connu une grande réussite. Son père était membre de la Cour suprême de la Saskatchewan. Jim a continué la tradition dans un cabinet d'avocats à Regina qui portait le nom des Balfour. Il est devenu homme d'affaires et directeur d'entreprise. Il était généreux dans ses activités bénévoles, puis il a entamé une vie publique. Il a servi 7 ans à la Chambre des communes et 20 ans au Sénat.

Loin de se replier sur lui-même et ne s'apitoyant jamais sur son sort, il a concentré toute son attention sur son devoir et sur ses intérêts jusqu'aux derniers instants. Lorsque ses amis s'enquéraient de sa santé, il faisait preuve d'une grande franchise et d'un réalisme total. Puis il orientait la conversation vers les questions qui occupaient son esprit à ce moment-là. Lors d'une conversation que j'ai eue récemment avec lui, ces questions étaient l'état des forces de réserve du Canada, la colère de la Saskatchewan rurale, le Musée de la guerre à Ottawa et, bien entendu, les perspectives d'avenir du Parti conservateur fédéral. Il faisait face à tous ses problèmes avec grâce et assumait toutes ses responsabilités avec un sérieux et une intégrité exemplaires. C'était un homme honorable, et l'exemple de sa vie et de sa mort est un héritage dont peuvent être fiers sa famille, ses amis et ses collègues.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi adresser mes condoléances à la famille du sénateur Balfour.

Lorsque je suis arrivée à Regina en 1976 pour occuper mon poste de juge, je connaissais déjà la famille Balfour. On ne peut se promener dans Regina sans tomber sur un point d'intérêt auquel cette famille a donné son nom ou surn lequel elle a laissé sa marque. J'ai connu le sénateur Balfour indirectement par le biais de l'excellent travail qu'il avait accompli. Ce n'était pas un homme qui se vantait de ses réalisations, mais il était plutôt un homme qui agissait dans les coulisses et qui s'occupait avec fierté des questions qui lui importaient.

Dans la profession, Jim Balfour était un homme réservé. Toujours bien préparé. Il était extrêmement réfléchi et fort respecté au Barreau de la Saskatchewan. Les jeunes avocats qui avaient des problèmes pouvaient s'adresser à lui et il était certes prêt à leur consacrer un certain temps, ce qui n'est pas toujours le cas dans notre profession. Il leur disait non seulement comment aborder l'affaire, mais il leur expliquait l'importance d'aller au-delà de l'affaire dont le tribunal était saisi et d'en examiner tous les aspects, y compris sur le plan moral. Il avait un respect pour la loi qui ne se retrouvait pas chez beaucoup dans la province.

Le sénateur Balfour était également connu pour ses actions politiques en Saskatchewan. Pour ma part, après l'avoir rencontré, je me demandais comment il avait pu faire du porte-à-porte, car il n'avait certes pas la personnalité et l'exubérance qu'on associe souvent aux membres de la classe politique. Pourtant, lorsque j'ai commencé à connaître Regina, une ville qui n'était pas la mienne, j'ai compris que son intérêt discret pour pratiquement toutes les questions importait aux gens de sa ville et de sa province. Il trouvait toujours une façon de faire connaître son point de vue sur une question donnée et d'y apporter une solution avantageuse pour la collectivité. Je ne pense pas qu'il y ait un dossier auquel il n'ait pas discrètement travaillé. Il n'occupait jamais la présidence ou le poste le plus en vue, mais il était toujours en coulisse à donner des conseils. Il a fait preuve du type de leadership qui est la marque d'un homme d'État et pas simplement d'un politique. Avec lui, les deux étaient synonymes.

Le sénateur Balfour avait beaucoup d'influence dans la ville de Regina. Il peut être difficile de travailler dans une petite localité lorsqu'on a besoin de beaucoup d'argent et qu'on doit régler de grands problèmes. Là encore, il participait discrètement aux activités de nombreux services communautaires. Ainsi, il rejoignait une collectivité plus large, ceux qui n'auraient normalement pas été associés au sénateur Balfour et que nous n'aurions pas connus ici. Ceux d'entre nous qui viennent de Regina peuvent se rendre dans de nombreux services communautaires pour parler aux gens et s'apercevoir que, là encore, en coulisses, le sénateur Balfour s'efforçait d'améliorer un peu le sort des citoyens moyens de Regina.

Le sénateur Balfour nous manquera, mais son oeuvre perdurera. De nombreuses personnes à Regina étaient au courant de sa maladie et espéraient secrètement qu'il s'en sortirait encore une fois. Cependant, nous étions nombreux à avoir compris que la fin était proche quand il est rentré parmi les siens pour effectuer des recherches sur les origines de sa famille en Saskatchewan, avec la discrétion et le charme que nous lui connaissions. Nous savions qu'il n'était déjà plus le même homme, alors que jusque-là il avait toujours été tourné vers l'avenir, et beaucoup de ses amis ont compris qu'il se préparait à l'inévitable.

Honorables sénateurs, nous n'oublierons pas Jim Balfour et j'espère que sa famille trouvera du réconfort dans son oeuvre.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais prendre la parole moi aussi à l'occasion du décès du regretté Jim Balfour. Il nous arrive des choses quand on est nommé au Sénat. Il nous est notamment donné de rencontrer des personnes dont nous avons entendu parler, et Jim Balfour était l'une de ces personnes.

(1420)

Jim a accompli pour le Parti conservateur en Saskatchewan un véritable exploit politique - à savoir remporter un siège à Regina. Pour ceux parmi les honorables sénateurs qui ne connaissent pas Regina, qu'ils sachent que lorsque le directeur de campagne de John Diefenbaker lui a demandé, lors de la campagne électorale de 1958, ce qu'il convenait de faire pour mener à bien cette campagne à Regina, celui-ci avait répondu: «Faites sauter la ville!» Dans les milieux politiques, nous sommes convenus d'appeler cette ville la «place Rouge». Tous les gauchistes de la Saskatchewan se trouvent à Regina. Jim Balfour a fait quelque chose que peu de conservateurs ont réussi. Quand la population de Regina lui a accordé la victoire dans cette élection, elle a montré toute l'estime qu'elle lui portait. Cette victoire a attiré sur lui l'attention de M. Clark, qui l'a nommé au Sénat en 1979.

Je ne connaissais pas très bien Jim, bien que j'aie entendu parler de lui. L'une des bonnes choses qui me soient arrivées est que j'ai pu mieux l'apprécier en le côtoyant au sein du caucus. J'admirais son intégrité et son honnêteté.

Honorables sénateurs, je vais révéler une chose à propos du caucus auquel j'appartiens depuis six ans et c'est que Jim Balfour savait en venir au fait. C'était un homme qui ne parlait pas beaucoup, mais ses interventions arrivaient toujours à point nommé et ses conseils étaient des plus prisés par tous. Ils me manqueront beaucoup.

Au nom des membres de ma famille et de tous les habitants de ma ville, je peux affirmer que Jim a beaucoup fait pour notre province. Il a toujours fait preuve de bon sens et il nous manquera beaucoup. Je transmets donc nos plus sincères condoléances et toute notre sympathie à sa famille.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous demanderais de bien vouloir vous lever et vous joindre à moi pour observer un moment de silence à la mémoire de notre collègue et ami, le sénateur James Balfour.

(Les sénateurs observent une minute de silence.)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Manitoba

La première nation de Cross Lake-Le taux de suicide élevé

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'aimerais porter à l'attention du Sénat les conditions tragiques dans lesquelles vivent les membres de la Première nation de Cross Lake, une réserve située dans la partie nord du Manitoba, au sud de Thompson.

Honorables sénateurs, au cours des cinq derniers mois, sept habitants de cette communauté de 4000 âmes se sont enlevé la vie. Cent autres ont tenté de le faire au cours de la même période. Ces statistiques sont effarantes et on ne peut se permettre de les ignorer.

Il y a d'autres aspects alarmants à cette histoire. De façon générale, les initiatives de lutte contre le suicide dans les communautés visent principalement les jeunes hommes parce qu'ils ont toujours constitué le groupe le plus à risque. Toutefois, dans la Première nation de Cross Lake, la majorité des personnes ayant tenté de s'enlever la vie étaient âgées de 20 à 30 ans et il y avait autant d'hommes que de femmes.

Le plus jeune à avoir tenté de se suicider dans les derniers mois était âgé de neuf ans. Il est difficile pour moi de comprendre le désespoir qui pourrait pousser un jeune de neuf ans à vouloir se tirer une balle dans la tête. Il est également difficile d'imaginer le même désespoir chez une grand-mère de 59 ans.

Honorables sénateurs, on ne peut se permettre de passer cette crise sous silence. À la fin de septembre, on a mis sur pied un service téléphonique d'urgence permanent. Je ne peux que présumer que ce service a permis de réduire le nombre de suicides. Toutefois, le budget de 15 000 $ qui y a été accordé sera bientôt épuisé. Nous devons nous assurer que ce service pourra compter sur des fonds supplémentaires pour pouvoir continuer à fonctionner.

Beaucoup plus important encore, honorables sénateurs, nous devons corriger les problèmes systémiques qui, dans cette communauté, produisent ces résultats horribles.

Le Nouveau-Brunswick

Le projet de loi visant à établir un jour de commémoration de l'Holocauste

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, le 9 décembre 1999, un événement important est survenu à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Je prends aujourd'hui la parole pour partager ma joie avec vous.

Un projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté à l'assemblée législative par le député conservateur Eric MacKenzie afin que l'on commémore chaque année l'Holocauste. Lorsque l'assemblée législative approuvera le projet de loi cette semaine, la province du Nouveau-Brunswick, d'où je viens, sera la troisième province du Canada à désigner une journée où nous nous souviendrons des atrocités dont l'humanité est capable, l'assassinat systématique de millions d'hommes, de femmes et d'enfants, par exemple, et où nous nous rappellerons des milliers de soldats, hommes et femmes, qui ont combattu outre-mer pour renverser la machine à tuer du Troisième Reich et libérer les camps de la mort.

Le premier jour de commémoration de l'Holocauste au Nouveau-Brunswick sera le 2 mai 2000. La date de cette journée de commémoration changera chaque année et sera fonction du calendrier lunaire juif. Elle coïncidera avec le Yom Hashoah, une journée de commémoration observée partout dans le monde chaque année depuis 1951.

La province de l'Ontario a adopté une mesure législative semblable l'an dernier et le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a adopté une loi portant sur la Journée de commémoration de l'Holocauste la semaine dernière. À toutes ces provinces, je dis «merci».

Au moment du dépôt de la mesure législative, M. MacKenzie a déclaré:

À la fin du siècle le plus violent de l'histoire de l'humanité, nous partageons l'obligation, à l'aube du nouveau millénaire, de rappeler l'histoire et d'en tirer les leçons.

Comme l'a écrit George Santayana:

Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter.

Il convenait bien que cette motion soit présentée le 9 décembre étant donné que la communauté internationale célébrait à cette date deux importants anniversaires en matière de droits de la personne. Le 9 décembre marque le 51e anniversaire de l'adoption de la Convention des Nations Unies pour la prévention du crime de génocide, qui fait du génocide une infraction au droit international, et le 10 décembre marque le 51e anniversaire de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Je suis fière de cette nouvelle mesure législative du gouvernement Lord qui rappelle l'une des plus choquantes violations des droits de la personne. Le souvenir de l'Holocauste devrait fournir l'impulsion nécessaire pour s'opposer activement au racisme et à la haine. Nous n'avons qu'à feuilleter chaque jour les journaux pour prendre connaissance d'actes malveillants qui font ressortir le côté noir de l'humanité.

Honorables sénateurs, étant donné que le passage du temps fait taire à tout jamais les survivants, il nous incombe de parler des leçons de l'Holocauste en qualité de parlementaires, de dirigeants de la collectivité et aussi de membres de la race humaine.

Si je peux me permettre un petit moment de partisanerie, honorables sénateurs, vous remarquerez que les trois provinces qui ont proclamé une Journée de commémoration de l'Holocauste sont dirigées par le Parti progressiste-conservateur. J'espère que le gouvernement fédéral emboîtera bientôt le pas et fera de la Journée de commémoration de l'Holocauste une journée nationale de recueillement.

(1430)

Les Jeux olympiques spéciaux

Ottawa-Les Jeux d'hiver de l'an 2000

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, je tiens à vous signaler aujourd'hui un événement important, car nous ajournerons probablement cette semaine. Je le fais à titre de membre de la Fondation des Jeux olympiques spéciaux du Canada et de bénévole de longue date.

L'événement dont je parle durera cinq jours, à compter du 25 janvier 2000, lorsque la ville d'Ottawa et la région de la capitale nationale seront l'hôte des Jeux olympiques spéciaux d'hiver canadiens. Quelque 600 athlètes et 200 entraîneurs viendront de partout au Canada pour participer à ces jeux. Quelque 600 parents et 1 200 bénévoles viendront également soutenir les athlètes.

Les Jeux olympiques spéciaux se sont déjà tenus une fois à Ottawa, en 1981, lorsque nous avons accueilli les jeux d'été. Cette fois-ci, il s'agira bien sûr des sports d'hiver. Nous assisterons notamment à des compétitions de ski alpin, de patinage artistique, de curling et de raquette.

Beaucoup d'entre nous portons une grande estime à la cause des Jeux olympiques spéciaux, mais tout le monde ne sait pas que ces jeux constituent des événements sportifs de haut calibre qui, par leur aspect spectaculaire, peuvent soutenir la comparaison avec n'importe quelle compétition athlétique. C'est ce que voulait le docteur Frank Hayden, de l'Université McMaster, qui a consacré sa vie à la cause du conditionnement physique. Vous vous rappellerez peut-être son célèbre programme de cinq exercices de conditionnement physique qu'il avait mis au point avec l'Aviation royale canadienne.

Le docteur Hayden ne partageait pas l'idée généralement répandue que les enfants déficients mentaux, et plus tard les adultes, étaient incapables de participer aux sports et aux programmes de loisirs. En soumettant un groupe d'enfants à un programme intense de conditionnement physique, le docteur Hayden a démontré que les déficients mentaux pouvaient acquérir suffisamment d'habiletés pour se livrer à des compétitions athlétiques de niveau international. Il a ensuite fondé les Jeux olympiques spéciaux. La famille Kennedy, notamment Eunice Kennedy Shriver, a ouvert la voie aux États-Unis. Le regretté Harry «Red» Foster est le Canadien qui a adopté l'idée et créé nos Jeux olympiques spéciaux canadiens.

Les Jeux olympiques spéciaux se sont tenus pour la première fois en 1968 à Soldier Field, à Chicago, et ces jeux comptent maintenant plus d'un million de participants dans 140 pays. Les athlètes bénéficient des Jeux olympiques spéciaux à trois égards: leur condition physique s'améliore de façon spectaculaire, ils apprennent à avoir confiance en eux-mêmes et ils acquièrent d'importantes aptitudes sociales. Toutes ces qualités sont encore accrues par l'appréciation et le soutien d'un auditoire.

Je demanderais à tous les honorables sénateurs d'essayer d'assister à l'une des compétitions des Jeux olympiques spéciaux au cours de la semaine du 25 janvier. Ils seront très impressionnés par la détermination et l'héroïsme de nos athlètes. J'ai assisté à un grand nombre de ces compétitions, au Canada et à l'étranger. À mon avis, les Jeux olympiques spéciaux symbolisent les bienfaits que peut apporter le sport et l'épanouissement du corps et de l'esprit qui vient à force de détermination, comme en témoignent nos athlètes.

Le serment des Jeux olympiques spéciaux est très éloquent. Il est lu au début de chacun des jeux par un athlète qui allume ensuite la flamme olympique. Le serment dit ceci:

Faites que je gagne, sinon, faites que je sois courageux dans mes efforts.

Honorables sénateurs, j'espère vous voir aux jeux.


Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de notre collègue et amie récemment retraitée, l'honorable sénateur Marian Maloney.
[Français]

AFFAIRES COURANTES

Langues officielles

Présentation du deuxième rapport du comité mixte permanent

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, coprésidente du comité mixte permanent des langues officielles, présente le rapport suivant:

Le mardi 14 décembre 1999

Le Comité mixte permanent des langues officielles a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Le Comité mixte permanent des langues officielles a adopté en comité le 7 décembre 1999 la résolution suivante:

IL EST RÉSOLU, - Que le Comité mixte permanent des langues officielles du Sénat et de la Chambre des communes est d'avis que l'assemblée législative de l'Ontario devrait établir par voie législative, que la ville d'Ottawa, capitale du Canada, a deux langues officielles, l'anglais et le français.

Le Comité reconnaît que les questions concernant les municipalités relèvent de la compétence des provinces, mais il estime que la ville d'Ottawa est un cas particulier. La capitale du Canada, selon le Comité, devrait refléter le caractère bilingue par l'usage de ses deux langues officielles, le français et l'anglais.

Respectueusement soumis,

La coprésidente,
ROSE-MARIE LOSIER-COOL

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi de mise en 9uvre de l'Accord sur la station spatiale internationale civile

Rapport révisé du comité

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, j'aimerais présenter la version révisée du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, portant sur le projet de loi C-4, Loi de mise en 9uvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile.

Pour des raisons techniques, les observations qui auraient dû être incluses dans notre rapport qui fut présenté le jeudi 9 décembre 1999, furent omises par inadvertance.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le mardi 14 décembre 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT RÉVISÉ

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-4, Loi portant mise en 9uvre de l'Accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications connexes à d'autres lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du 1er décembre 1999 étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec les observations suivantes:

Le comité voudrait que deux points précis soient réglés. Premièrement, le comité est vivement intéressé à examiner a) les règlements que le gouverneur en conseil estime nécessaires pour l'application de la présente loi et pour donner effet à l'Accord et b) le code de conduite qui établira la chaîne de commandements applicable aux astronautes de la station spatiale. Le comité, inquiet de la portée insuffisante de la disposition concernant l'avis du Parlement, à l'article 10 du projet de loi C-4, demande que le gouvernement du Canada, par l'entremise de l'Agence spatiale canadienne, lui réfère les règlements et le code de conduite directement, dès qu'ils seront terminés, après avoir premièrement été publiés dans la Gazette du Canada.

Deuxièmement, le paragraphe 11(2.34) ne définit pas l'expression « Canadian flight element » employée dans la version anglaise de l'alinéa 11(2.31)b). Le comité juge nécessaire qu'un nouveau libellé soit employé dans la version anglaise de cet alinéa pour supprimer l'ambiguïté qui existe entre les mots «flight element provided by Canada» et «Canadian flight element» et pour assurer la concordance des versions anglaise et française du projet de loi. Le gouvernement du Canada, dans le projet de loi d'ensemble qui doit être présenté prochainement, devrait clarifier le paragraphe 11(2.31) afin de régler les préoccupations du comité à cet égard.

Respectueusement soumis,

Le président,
PETER STOLLERY

[Traduction]

L'ajournement

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 15 décembre 1999, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a

Première lecture

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

L'honorable Jack Austin: Avec la permission du Sénat, à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: Non.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, habituellement, il faut un avis de deux jours avant de procéder au débat à l'étape de la deuxième lecture et, si je comprends bien, la permission de raccourcir ce délai n'est pas accordée. La deuxième lecture du projet de loi serait donc inscrite à l'ordre du jour de la séance de jeudi prochain.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le consentement étant refusé, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 16 décembre 1999.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, si tel est le désir du Sénat, peut-être pourrions-nous donner le consentement unanime pour en finir avec ce projet de loi qui a été étudié d'une façon si exhaustive à l'autre endroit?

Son Honneur le Président: J'ai demandé si la permission était accordée, mais elle a été refusée. La question ne peut donc pas faire l'objet d'un débat.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de jeudi prochain, le 16 décembre 1999?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 16 décembre 1999.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 2 pour 1999-2000

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-21, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2000.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'association parlementaire Canada-OTAN

La délégation à la session annuelle de 1999 tenue à Amsterdam, aux Pays-Bas-Dépôt du rapport

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport de l'Association parlementaire Canada-OTAN qui représentait le Canada à la 45e session annuelle tenue à Amsterdam (Pays-Bas), du 11 au 15 novembre 1999.

Les recommandations de la commission royale sur les peuples autochtones concernant la fonction gouvernementale autochtone

Avis de motion autorisant le Comité des peuples autochtones à reporter la date de présentation de son rapport final

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi, le 15 décembre 1999, je proposerai:

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 24 novembre 1999, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à faire une étude et à présenter un rapport sur les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones (Document parlementaire no 2/35-508.) relativement à la fonction gouvernementale autochtone et, plus particulièrement, à obtenir le point de vue des peuples autochtones et des autres intéressés sur les questions suivantes:

  1. les nouvelles relations structurelles requises entre les peuples autochtones et les paliers de gouvernement fédéral, provincial et municipal et entre les différentes collectivités autochtones elles-mêmes;
  2. les mécanismes nécessaires à l'implantation des nouvelles relations structurelles;
  3. les modèles d'autonomie gouvernementale autochtone nécessaires pour répondre aux besoins des peuples autochtones et pour concorder avec les nouvelles relations structurelles;
Que le Comité soit autorisé à déposer son rapport final au plus tard le 16 février 2000, et que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu'au 29 février 2000; et

Que le Comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les Affaires intergouvernementales

Le projet de loi sur la clarté du processus référendaire-Les modalités d'application

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, l'article 2.(2) du projet de loi sur la clarté du processus référendaire définit les facteurs que la Chambre des communes doit considérer pour déterminer si une majorité claire de Québécois se sont prononcés pour la sécession du Québec. Vous vous rappellerez que lors du dernier référendum, 49,6 p. 100 des Québécois se sont prononcés en faveur de la souveraineté du Québec assortie d'une offre de partenariat au reste du Canada. 50,4 p. 100 des Québécois se sont opposés à cette option.

Si nous analysons de près ces pourcentages en fonction de l'appartenance ethnique des Québécois, les données de Statistique Canada et les résultats par section de vote, nous arrivons à la conclusion partagée par à peu près tous les experts, à savoir que 62 p. 100 des francophones se sont prononcés en faveur de l'option souverainiste et, à l'opposé, que 95 p. 100 des anglophones et 98 p. 100 des allophones se sont prononcés contre l'option du Parti québécois.

Considérant que les francophones constituent la majorité de la population du Québec, que le vote des anglophones et des allophones n'est concentré uniquement que dans certaines zones déterminées du Québec, le ministre peut-il nous dire si, dans le cas d'une victoire du camp du OUI des indépendantistes - que je ne recherche pas du tout - la répartition ethnique et géographique du vote sera prise en considération lors de l'examen de la clarté de la majorité des électeurs qui se seront prononcés en faveur de cette option?

[Traduction]

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a deux volets à tout cela, comme la Cour suprême l'a bien souligné. Le premier, c'est la clarté de la question, et le projet de loi est assez explicite à ce sujet. Le deuxième, c'est la majorité claire, et c'est ce dont parle l'honorable sénateur.

La cour, dans ses délibérations et dans sa décision, a bien pris soin de ne pas définir en détail quels facteurs seraient pris en considération avant le vote.

Le projet de loi parle de certains facteurs dont il faudra tenir compte. Ces facteurs seront-ils les seuls pertinents une fois le moment venu? Les circonstances le diront. Le projet de loi ne préjuge pas des circonstances et ne décrit pas précisément à quel niveau il faudra fixer la limite, même si cela a certainement dû être tentant à certains moments. À cet égard, le projet de loi est tout à fait conforme à la décision de la Cour suprême.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, c'est la raison pour laquelle, dans mon préambule, je vous ai donné les pourcentages. Aucun expert n'a contesté que la majorité des Québécois francophones, 62 p. 100, ont voté OUI à la question du Parti québécois lors du référendum de 1995. À l'opposé, 95 p. 100 des anglophones et 98 p. 100 des allophones ont voté NON.

Votre projet de loi n'est-il pas en train de donner moins d'importance au vote de la majorité francophone qu'à celui de la minorité anglophone et allophone?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, on ne tente pas dans le projet de loi d'accorder davantage d'importance à une partie de l'électorat en particulier. Certaines conditions seront examinées au moment de l'évaluation de la qualité de la majorité. Certaines de ces conditions sont énoncées dans le projet de loi, et d'autres ne le sont pas. Cela s'explique par le fait qu'on ne peut prévoir quelles considérations entreront en ligne de compte.

Cependant, le projet de loi prévoit clairement un examen public de tous les facteurs. L'essentiel, c'est que tous les Québécois, quelle que soit leur origine ethnique, doivent pouvoir s'exprimer clairement, par une majorité claire, et que cette majorité soit le résultat d'une question claire qui leur a été posée.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, une majorité claire ne serait-elle pas une majorité de chacune des tranches ethniques de la population du Québec?

Le sénateur Finestone: Honorables sénateurs, suis-je une citoyenne de deuxième classe?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, j'hésite, par principe, à déterminer à l'avance les pourcentages précis pour trancher cette question. Fidèle à l'avis de la Cour suprême, le projet de loi prévoit que l'on devra tenir compte des circonstances existant au moment d'un futur référendum, ce que feront les protagonistes politiques à ce moment-là. Espérons que cela n'arrivera jamais. Cependant, là n'est pas la question.

(1450)

En ce qui concerne le genre d'exigence que propose le sénateur, je ne peux pas lui dire que ce sera le cas. Je serais surpris toutefois que cela soit le cas le moment venu. Je le répète, le projet de loi ne s'écarte pas du principe de l'avis de la Cour suprême, qui prévoit que, au moment opportun, les protagonistes politiques détermineront ce qui représente une majorité suffisante. Le projet de loi énonce très précisément certains des facteurs dont il sera tenu compte.

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la question de l'unité nationale, je rappellerai au ministre que selon l'histoire récente du Canada, la seule façon efficace de combattre le séparatisme au Québec est, pour le gouvernement du Canada, d'acquérir une compréhension des rapports entre le Québec et l'ensemble de la société canadienne. Je fais notamment référence à l'époque de Lester B. Pearson ou de Brian Mulroney, où le taux d'adhésion au séparatisme avait baissé de 20 à 25 p. 100.

Historiquement, au Québec, il y eut deux façons pour les partis souverainistes ou séparatistes d'obtenir l'adhésion des Québécois à l'idée de l'indépendance: la voie référendaire pour obtenir une majorité de OUI à la question, et la pluralité de représentants à l'Assemblée nationale au cours d'une élection, comme celle de 1966 avec le RIN, ainsi qu'en 1970 et en 1973 avec le Parti québécois de René Lévesque. Selon cette deuxième option, le gouvernement souverainiste élu aurait procédé à une déclaration de souveraineté. Vous vous souviendrez sans doute de cela, il ne s'agit pas d'une fiction.

L'actuel projet de loi du gouvernement ne traite que de la voie référendaire. Qu'arriverait-il à l'unité du Canada si un parti souverainiste au Québec revenait à la proposition de René Lévesque du début des années 70, c'est-à-dire que l'élection d'un gouvernement du Parti québécois, qui est un gouvernement clairement souverainiste, impliquerait, par une simple majorité de députés à l'Assemblée nationale, la mise en 9uvre de la séparation du reste du Canada? Le projet de loi ne dit rien là-dessus.

Pour vous montrer le caractère saugrenu de l'intervention du gouvernement fédéral dans ce débat, dans cette première hypothèse le Parti québécois disait qu'avec l'élection d'un gouvernement souverainiste et ce mandat de la population, il procéderait à l'indépendance, comme cela s'est fait en 1970 et en 1973. Ils n'ont pas gagné, mais c'était leur programme.

Selon cette hypothèse, le gouvernement fédéral adopterait-il une loi pour déterminer la nature de la plate-forme électorale du Parti québécois pour clarifier son option sur la souveraineté? Le gouvernement fédéral proposerait-il l'adoption d'un projet de loi pour dire que lors de l'élection d'un gouvernement séparatiste, ce n'est pas 50 p. 100 plus 1 qu'il faut pour modifier la majorité parlementaire? C'est exactement ce que le gouvernement fait actuellement dans ce projet de loi sur la clarté du processus référendaire lorsqu'il dicte indirectement la question et lorsqu'il laisse entendre qu'une majorité de 50 p. 100 plus 1 n'est pas une majorité légitime.

Vous comprenez pourquoi la position du gouvernement canadien n'est pas acceptée par l'ensemble des intervenants au Québec et pourquoi elle est saugrenue. Pourquoi le gouvernement canadien n'exprime-t-il pas son opinion, comme c'est son droit de le faire? Il est tout à fait légitime qu'il le fasse parce qu'il est le gardien premier de l'unité nationale. Qu'il laisse à l'Assemblée nationale et, particulièrement au Parti libéral du Québec, le porte-parole fédéraliste sur le territoire québécois, le soin de faire la bataille sur la clarté de la question et sur la définition de la majorité. Cela aiderait d'une façon beaucoup plus convenable l'option fédéraliste et l'option de l'unité canadienne.

Encore une fois, je pose la question au leader du gouvernement au Sénat. Quelle serait l'attitude du gouvernement canadien si le Parti québécois décidait d'abandonner la voie référendaire et disait: «Lorsque vous élisez un gouvernement du Parti québécois, un parti souverainiste, vous nous donnez le mandat d'entamer de façon démocratique la démarche de la souveraineté»?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, la question de l'honorable sénateur est assez complexe, tant par sa longueur que par sa nature.

Le premier ministre du Québec a déclaré qu'il a l'intention de tenir un autre référendum lorsque les conditions gagnantes seront réunies. Il est évident que, en tant que citoyens responsables et que gouvernement fédéral responsable, nous devons répondre à cette déclaration. Ce que le gouvernement propose est simple et évident. Il nous incombe de prendre le premier ministre du Québec au mot. S'il tient un autre référendum, nous devons nous assurer qu'il pose une question claire et qu'il comprenne bien qu'il doit obtenir une majorité claire avant de pouvoir agir. Je ne vois pas comment quiconque au Québec ou ailleurs au Canada pourrait s'opposer à cela. Le premier ministre du Québec n'a-t-il pas l'intention de poser une question claire? A-t-il l'intention d'agir autrement? Quelle est son objection au juste?

On craint qu'un gouvernement du Québec futur puisse choisir une voie différente. La question a été soumise à la Cour suprême du Canada et celle-ci a produit une réponse détaillée. Si je me souviens bien, le premier ministre du Québec a loué cette décision. Un des éléments fondamentaux de cette décision est que la population du Canada et le gouvernement du Canada ont un rôle à jouer. Personnellement, je détesterais voir le gouvernement se soustraire à son rôle.

[Français]

Le sénateur Rivest: Honorables sénateurs, le ministre m'indique que le gouvernement canadien a décidé d'agir à ce moment-ci parce que le premier ministre du Québec a déclaré vouloir tenir un référendum. Pourquoi le très honorable Pierre Elliott Trudeau, après avoir entendu René Lévesque dire, au lendemain de son élection en 1976, qu'il allait tenir un référendum sur la souveraineté, n'a-t-il pas décidé de présenter, lui qui était gardien de l'unité nationale, un projet de loi pour déterminer les paramètres de la question et de la majorité? Le très honorable Pierre Elliott Trudeau n'était-il pas aussi soucieux de l'unité canadienne et de la protection des intérêts de l'ensemble des Canadiens que l'actuel premier ministre du Canada?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le premier ministre Trudeau se préoccupait énormément de l'unité canadienne. Cependant, nous voilà dans une situation où, apparemment avec l'approbation du premier ministre du Québec et certainement de son homologue du Canada, la Cour suprême a éclairci cette question comme jamais cela ne s'est fait dans notre histoire. Nous n'avions pas pareille décision la dernière fois; nous l'avons maintenant. Si je me souviens bien, c'est une décision qui a reçu l'aval du premier ministre du Québec.

(1500)

Dans sa décision, la Cour suprême a établi certains critères très clairs. Elle donne ainsi au gouvernement fédéral une occasion raisonnable de situer ces questions dans une perspective claire, alors que nous ne nous trouvons pas en pleine bataille référendaire. En gros, le gouvernement insiste sur deux points simples, mais fondamentaux. Si une province quelconque, et pas seulement le Québec, veut se séparer du Canada, il lui faut poser une question claire à sa population et obtenir une réponse claire. Cela est vrai, qu'il s'agisse de l'Alberta, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse et, certainement, rien ne saurait être plus raisonnable. Cependant, le gouvernement fédéral n'est pas tenu d'agir si ces conditions ne sont pas respectées.

[Français]

Le sénateur Rivest: Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire à poser. Le ministre pourrait-il nous citer le passage du jugement de la Cour suprême du Canada qui demande au Parlement canadien de légiférer? Est-ce que le jugement de la Cour suprême du Canada qui dit ce que le ministre vient de dire, et j'en conviens volontiers, a force de loi au Canada? Et pourquoi ne pas laisser Jean Charest et le Parti libéral du Québec livrer cette bataille et rappeler au gouvernement du Québec en place que:

[Traduction]

La loi du pays est énoncée dans la décision de la Cour suprême du Canada. Nous n'avons pas besoin du projet de loi de M. Dion.

Le sénateur Boudreau: C'est là un argument différent, honorables sénateurs. Si une personne dit que nous n'en avons pas besoin ou que le moment choisi pour le présenter ne convient pas, elle laisse alors clairement entendre qu'il n'y a pas de désaccord. La Cour suprême a indiqué très clairement qu'il y a des facteurs dont il faut tenir compte. Je me ferais un plaisir de remettre un exemplaire de la décision de la Cour suprême à l'honorable sénateur.

Le sénateur Ghitter: Répondez à la question!

Le sénateur Boudreau: Ce projet de loi montre que les deux parties ont des responsabilités. Le gouvernement du Canada a clairement assumé sa responsabilité avec le projet de loi. Le gouvernement fédéral a fait connaître sa position à la population du pays d'une façon très raisonnable et a précisé les facteurs dont il se servirait pour déterminer si les conditions prévues dans la décision de la Cour suprême sont respectées. Ces facteurs seraient fort utiles pour tout citoyen de n'importe quelle province canadienne qui aurait à prendre une décision définitive, si on lui demande de la prendre dans l'avenir.

La cour suprême

La terminologie concernant la décision sur le renvoi relatif au référendum

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, au cours de la brève série de questions qui a été posée jusqu'à maintenant à ce sujet, j'ai compté que le leader du gouvernement au Sénat a utilisé dix fois le mot «décision» en parlant de l'avis donné par la Cour suprême du Canada.

Si nous devons traiter d'une question d'une importance aussi cruciale, nous devons être très prudents et très précis dans la façon dont nous employons les mots. Le ministre ne convient-il pas que le renvoi présenté par le gouvernement du Canada à la Cour suprême sollicitait non pas une décision, mais plutôt un avis?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le dit l'honorable sénateur, il s'agissait d'un renvoi et la Cour suprême du Canada a donné un avis, j'en conviens. C'est un avis qui a été bien accueilli à l'époque par le premier ministre du Québec.

Les transports

La Nouvelle-Écosse-L'engagement du gouvernement fédéral d'élargir à quatre voies la route 101

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais savoir quand nous allons obtenir ces hélicoptères. Je voudrais également savoir où le ministre des Transports et le président d'Onex sont aujourd'hui. Cependant, je pensais que le ministre connaîtrait un petit mieux la question suivante.

Comme le ministre le sait, il semble y avoir une certaine confusion en ce qui concerne les engagements fédéraux relativement à l'aide à apporter à la Nouvelle-Écosse pour l'élargissement à quatre voies de la route 101 qui traverse la vallée de l'Annapolis. Le ministre pourrait-il préciser au Sénat quel engagement a été pris à l'égard de notre province à cet égard? S'il n'a pas une réponse immédiate, il serait peut-être prêt à nous transmettre une réponse écrite le plus tôt possible.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais certainement vérifier auprès du ministre des Transports pour savoir où en sont les choses. J'ai assisté récemment à une réunion où ce sujet a été abordé par le ministre et, sauf erreur, un parlementaire de l'autre endroit qui représente la région en question.

Comme l'honorable sénateur le sait par expérience, le choix des projets routiers relève de la compétence provinciale. Le gouvernement provincial détermine les priorités puis demande les crédits fédéraux. Le gouvernement fédéral finance en partie ces routes en fonction de la liste de priorités établie par le gouvernement provincial.

Je crois que le ministre a indiqué qu'il étudierait peut-être une éventuelle demande venant du gouvernement provincial. En fait, certaines dispositions spéciales peuvent être prises. Cependant, à ma connaissance, aucune demande de ce genre n'a été transmise jusqu'à maintenant. Je fais cette affirmation sous toute réserve, car je n'ai pas parlé au ministre de cela depuis une semaine et demie.

Les finances

La répartition de crédits au titre du Régime de pensions du Canada en cas de rupture du mariage

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a environ deux ans, lorsqu'il a annoncé les modifications prévues dans le projet de loi C-2, le gouvernement du Canada a également annoncé qu'on allait se pencher sur cinq questions précises dans le cadre du prochain examen triennal du RPC. Cet examen s'est terminé la semaine dernière. Une seule de ces cinq questions a été mentionnée dans le communiqué de presse du gouvernement et c'était la décision de continuer de chercher des moyens de s'assurer que les crédits au titre du RPC sont divisés à la suite de la rupture du mariage, comme la loi le prévoit.

Trop souvent, cela ne se produit pas, même si c'est obligatoire aux termes de la loi. On nous dit que les gouvernements fédéral et provinciaux essaient encore de régler cette question. Rien n'a changé au cours des deux dernières années. On nous dit maintenant que le gouvernement fédéral et celui du Manitoba «examinent la possibilité de lancer un projet pilote au Manitoba».

Le leader du gouvernement pourrait-il dire au Sénat si l'expression «examiner la possibilitéx constitue une façon élégante de dire «peut-être que oui, peut-être que non»?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas dans quelle mesure le gouvernement et, plus particulièrement, le ministre des Finances, examine cette question. Cependant, je serai très heureux de me renseigner et de fournir une réponse au sénateur.

Le sénateur Oliver: Je remercie le leader du gouvernement.

Honorables sénateurs, comme le ministre le sait, la plupart des Canadiennes vivent leurs dernières années dans la pauvreté, après être demeurées au foyer pendant que leur mari était sur le marché du travail, et elles ne reçoivent aucune pension. Le leader du gouvernement pourrait-il nous fournir des renseignements sur deux autres points? Premièrement, pourrait-il dire au Sénat quel est l'état exact des travaux exploratoires et du projet pilote éventuel? Deuxièmement, pourrait-il nous dire pourquoi, deux ans plus tard, ce problème n'a toujours pas été réglé, particulièrement pour les femmes qui ont travaillé au foyer, et non à l'extérieur?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je serais ravi d'ajouter ces autres demandes de renseignements.

La santé

La possibilité d'un règlement concernant l'adjonction de caféine aux boissons

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, une série d'articles parus dans The Ottawa Citizen font état d'un dossier sur la caféine qui est actuellement à l'étude à Santé Canada. Il s'agit de permettre ou non aux fabricants de boissons gazeuses d'ajouter de la caféine à des boissons telles que Mountain Dew. Ce printemps, le Sénat a adopté à l'unanimité une motion à cet égard, et cette série d'articles suscite de nouvelles questions. J'aimerais en soulever quelques-unes.

Premièrement, le leader du gouvernement au Sénat peut-il indiquer si, oui ou non, le gouvernement respectera la motion du Sénat en ne modifiant pas la réglementation actuelle qui interdit l'adjonction de caféine aux boissons gazeuses à base d'agrumes tant qu'on n'est pas sûr que la santé des Canadiens, notamment les enfants et les jeunes, n'en souffrira pas?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. À ma connaissance, il n'est pas question en ce moment de modifier la politique gouvernementale à cet égard, mais je vais m'enquérir auprès du ministre de la Santé afin d'être à jour dans ce dossier.

La demande d'une étude sur les effets de la caféine

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, un rapport parviendra au ministre, mais nous lui avons écrit un certain nombre de lettres, dans le sillage de cette résolution, l'enjoignant de ne rien faire, de se contenter de dire non.

Selon les articles en question, des hauts fonctionnaires de Santé Canada ont déclaré qu'ils ne possèdent pas de chiffres sur la quantité de caféine que les Canadiens ingèrent déjà en consommant des boissons gazeuses, du chocolat, du café, du thé, et cetera. Ils disent n'avoir plus que deux possibilités. Ils peuvent se fier aux données que leur remet l'industrie ou élaborer le pire scénario. Je pense qu'il y en a une troisième. Ils peuvent demander à Statistique Canada de leur fournir des données de base.

(1510)

L'honorable ministre pourrait-il demander au ministre de la Santé d'exiger le témoignage d'une source impartiale pour déterminer si la santé des Canadiens sera compromise ou non?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas au juste si l'honorable sénateur demande que l'exigence figure sur les formulaires de Statistique Canada.

Le sénateur Spivak: Oui, afin d'établir les données de base.

Le sénateur Boudreau: En fait, je crois qu'on est en train de définir les renseignements à demander. Je ne sais pas au juste où en sont ces travaux, mais je vais me renseigner. Je vais transmettre la demande de l'honorable sénateur.

Le sénateur Spivak: Merci.

Le retard dans la publication du rapport scientifique

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, pour plus de précision, je signale que selon un avis déjà paru dans La Gazette du Canada, la proposition de Pepsi-Cola serait approuvée, mais cet avis ajoute audacieusement qu'aucune étude n'a été faite et que l'objectif principal consiste à harmoniser les formules de Mountain Dew, par exemple, selon le modèle américain. Comme on le sait, une canette de Mountain Dew contient plus de caféine que plusieurs tasses de café. Après avoir joué au hockey, les jeunes, y compris mes petits-enfants, ne voient rien de mal à prendre une boisson pour sportifs ou une canette de Mountain Dew. Nous allons désormais leur servir de bonnes doses de caféine. La caféine est un psychotrope et devrait être étiquetée en tant que tel.

De toute façon, le rapport du comité de scientifiques qui répond au ministre devait, sauf erreur, être terminé en juillet dernier. L'honorable ministre pourrait-il vérifier pourquoi, si ce rapport devait être terminé en juillet, il n'a pas encore été rendu public?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Je serai heureux de me renseigner sur cet autre sujet au nom de l'honorable sénateur.

Pour ce qui est du fond de sa question, il faut toujours établir un équilibre entre le degré de réglementation de l'activité humaine par le gouvernement et la liberté de choix. Je reconnais la légitimité de la préoccupation de l'honorable sénateur, mais je ne pense pas que nous sommes sur le point de légiférer afin d'interdire aux mineurs l'accès aux Tim Horton.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, je ne peux laisser passer cette remarque sans répondre. Nous ne sommes pas en train d'adopter une mesure législative. Nous tentons de protéger nos jeunes enfants contre l'adjonction d'une drogue psychotrope à un produit qu'ils consomment. Il y a plusieurs situations comme cela. Il ne s'agit pas d'un règlement; il s'agit de prévention dans l'intérêt de la santé des jeunes enfants. Il ne faut pas confondre les deux.

Le sénateur Boudreau: Je comprends le point soulevé par le sénateur. Toutefois, comme je l'ai souligné, il y a un juste équilibre à atteindre.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de donner la parole au sénateur Kinsella, j'aimerais souligner que ce sera la dernière question permise au cours de cette période de questions.

Les pêches et les océans

La Garde côtière-Les offres de croisière aux premiers ministres

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, l'été dernier, le Sir Humphrey Gilbert de la Garde côtière du Canada a emmené le premier ministre Tobin et les membres de son Cabinet en croisière le long des côtes de Terre-Neuve. À titre de ministre politique de la Nouvelle-Écosse, le ministre est-il prêt à faire des arrangements de ce genre pour le premier ministre Hamm et ses collègues au cours de l'été prochain?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, non seulement vais-je refuser la demande du sénateur, mais je tiens à lui assurer personnellement que je ne prendrai jamais ce genre d'initiative.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai une réponse à la question posée au Sénat le 24 novembre 1999 par le sénateur Oliver concernant l'achat de grandes sociétés par des entreprises américaines, une réponse aux questions posées au Sénat le 30 novembre 1999 par les sénateurs Spivak et Andreychuk concernant le Manitoba, la perte de données confidentielles, le transfert de données personnelles et le principe du consentement pour la sécurité des données personnelles, une réponse à une question posée au Sénat le 6 décembre 1999 par le sénateur Andreychuk concernant l'échec des discussions à l'Organisation mondiale du commerce sur la question des subventions agricoles des États membres et l'aide aux agriculteurs canadiens, et enfin une réponse à une question posée au Sénat le 8 décembre 1999 par le sénateur Kenny concernant le statut du Musée commémoratif de l'Holocauste.

L'économie

L'achat de grandes sociétés par des entreprises américaines-La politique du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 24 novembre 1999)

Certes, les achats d'entreprises canadiennes par des étrangers ont pris de l'ampleur ces derniers temps, mais il faudrait examiner le phénomène à plus long terme.

Les investissements directs canadiens à l'étranger se sont accrus plus que les investissements étrangers au Canada pendant les années 90, au point que, aujourd'hui, les Canadiens possèdent davantage d'investissements directs à l'étranger que les étrangers n'en possèdent au Canada.

Le taux de change est un des nombreux facteurs qui incitent les étrangers à investir au Canada. En fait, l'augmentation récente des achats d'entreprises canadiennes par des étrangers a coïncidé avec un raffermissement du dollar canadien.

En fin de compte, dans un monde où l'on se fait concurrence pour mobiliser des dollars d'investissement, l'investissement direct étranger au Canada est une marque de confiance dans notre économie.

 

 

Les investisse ments directs
canadiens à l'étranger
(milliards de $)
Taux trimestriels

Les investissementsétrangers directs au Canada
(milliards de $)
Taux trimestriels
98T1 8,1 7,8
98T2 6,3 3,6
98T3 14,9 8,3
98T4 10,2 4,7
99T1 4,5 3,2

Élections Canada

Le Manitoba-La perte de données confidentielles-Le transfert de données personnelles-Le principe du consentement-Les procédures de sécurité concernant les données personnelles

(Réponse aux questions posées par l'honorable Mira Spivak et l'honorable A. Raynell Andreychuk le 30 novembre 1999)

Le gouvernement s'est engagé à protéger les renseignements personnels et, plus particulièrement, à s'assurer que les renseignements relatifs aux personnes soient seulement utilisés et divulgués en conformité avec la loi. Élections Canada partage cet engagement.

Pour dresser le registre des électeurs, Élections Canada a demandé l'avis de bon nombre d'experts, dont ceux du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

La tenue de la liste électorale nécessite des renseignements qu'Élections Canada reçoit du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Les sources gouvernementales fédérales (à savoir Revenu Canada et Citoyenneté et Immigration Canada) ne transmettent de renseignements personnels qu'avec le consentement des intéressés. Pour obtenir ce consentement, Revenu Canada a prévu, dans les formulaires de déclaration du revenu, une case dans laquelle on indique que l'on consent à ce que certains renseignements (nom, adresse, date de naissance) soient communiqués à Élections Canada. Les nouveaux Canadiens peuvent indiquer de la même façon dans leur demande de citoyenneté qu'ils consentent au transfert de certains renseignements personnels à Élections Canada.

Élections Canada a également conclu avec les sources gouvernementales provinciales et territoriales (par exemple, les bureaux des véhicules automobiles et les bureaux de l'état civil) des ententes touchant l'envoi de renseignements nécessaires à la mise à jour du registre des électeurs. Ces ententes reposent sur l'hypothèse que le fournisseur est autorisé à transmettre ce genre d'information. La question du consentement est donc déterminée par les lois en vigueur dans les provinces et territoires.

La loi prévoit que les renseignements transmis à Élections Canada ne peuvent être utilisés qu'à des fins électorales.

Afin de protéger l'information contenue dans le registre des électeurs, Élections Canada a, dès la création du registre des électeurs, mis en place des systèmes de surveillance complexes (par des préposés ou par des moyens techniques), et instauré des procédures bien documentées de traitement des données.

Par suite de la perte de la bande renfermant l'information obtenue relativement aux conducteurs manitobains, Élections Canada a chargé une compagnie de sécurité indépendante de vérifier tous les aspects de ses procédures en matière de transfert sur bande magnétique. Tout en soulignant la grande qualité des dispositions en matière de sécurité prévues par Élections Canada, les experts consultés ont recommandé certains rajustements mineurs qui ont été apportés depuis.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, M. Bruce Phillips, a commandé sa propre enquête. Il s'est dit d'accord sur les conclusions de la vérification. «Après étude des circonstances entourant cet incident, il ne fait aucun doute que la perte de la bande est le résultat d'une simple erreur humaine, a écrit M. Phillips. Je suis convaincu qu'Élections Canada a pris diverses mesures pour éviter une situation semblable à l'avenir, et je ne crois pas qu'il faille formuler des recommandations additionnelles pour l'instant.»

Il est important de noter que le commissaire à la protection de la vie privée ainsi que les différentes sources appelées à contribuer à la mise à jour du registre des électeurs sont habilitées en tout temps à demander un examen visant à s'assurer que les dispositions régissant la collecte, l'emmagasinage, l'actualisation et l'utilisation des données transmises à Élections Canada respectent bien le droit à la vie privée des électeurs.

Le commerce international

L'échec des discussions à l'Organisation mondiale du commerce-Les subventions agricoles des États membres-L'aide aux agriculteurs canadiens

(Réponse à la question posée par l'honorable A. Raynell Andreychuk le 6 décembre 1999)

Le gouvernement du Canada est déterminé à instaurer un système de manutention et de transport du grain plus solide et plus efficace et à accroître la responsabilité envers les producteurs, qui devront aussi en bénéficier davantage.

L'objectif que le gouvernement s'est fixé est de veiller à ce que les producteurs profitent des changements apportés au système de manutention et de transport en réponse aux recommandations du juge Estey et aux propositions de M. Arthur Kroeger.

Il importe de souligner que le gouvernement du Canada a toujours soutenu, tout au long de ce processus, qu'une attention particulière devait être accordée à la nécessité de faire profiter les producteurs des retombées d'un système plus commercial et plus concurrentiel.

Le ministre des Transports, l'honorable David Collenette, a reçu les rapports des intervenants et les recommandations de M. Kroeger en septembre dernier.

Le ministre des Transports, de concert avec le ministre responsable de la Commission canadienne du blé et le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, a entrepris d'examiner ces rapports en vue de déterminer le meilleur moyen d'implanter un système de caractère plus commercial.

Le gouvernement examinera soigneusement le rapport des intervenants et les recommandations de M. Kroeger, de même que les résultats des travaux sur les questions liées aux ports, à la répartition des wagons-trémies et à la réparation des routes avant de procéder à la mise en oeuvre d'un ensemble de réformes.

Le patrimoine

Le statut du Musée commémoratif de l'Holocauste

(Réponse à la question posée par l'honorable Colin Kenny le 8 décembre 1999)

Le gouvernement est conscient qu'à l'aube d'un nouveau millénaire, les Canadiens et les Canadiennes doivent être renseignés sur les crimes commis contre l'humanité, comme l'Holocauste, et comprendre les leçons du passé.

Ni le gouvernement, ni le ministère du Patrimoine canadien, ne se sont engagés à créer un Musée de l'Holocauste.

Il existe différentes façons de perpétuer le souvenir des violations des droits de la personne et de la sécurité humaine, par exemple une exposition dans un musée, une campagne de sensibilisation publique, l'érection d'un monument commémoratif ou l'ouverture d'un centre d'enseignement.

Suite aux discussions concernant les besoins en locaux du Musée canadien de la guerre, des fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien ont demandé, au nom de la ministre, au Musée canadien des civilisations, de mener des consultations afin de déterminer la meilleure façon de commémorer l'Holocauste et les autres génocides. Cependant, le calendrier de ces consultations n'a pas été établi.

Bien que le gouvernement reconnaisse l'importance de faire connaître les crimes tragiques commis contre l'humanité au XXe siècle, son rôle dans la commémoration nationale de l'Holocauste et des autres génocides n'a pas été déterminé.


ORDRE DU JOUR

La Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile

Troisième lecture-Suspension du débat

L'honorable Peter A. Stollery propose: Que le projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications connexes à d'autres lois, soit lu une troisième fois.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, à première vue, le projet de loi C-4 est un projet de loi inoffensif, attirant même, qui mérite l'appui enthousiaste des deux partis représentés au Sénat. C'est une mesure qui vise à mettre en oeuvre les accords internationaux que le Canada a conclus sur la coopération relative à la station spatiale. Tout le monde ne peut donc qu'appuyer le principe fondamental du projet de loi. Celui-ci a été adopté prestement à l'autre endroit après plusieurs heures de débat et un examen par le comité de la Chambre des communes. J'appuie moi aussi le principe du projet de loi. Toutefois, Dieu ou le diable sait ce que nous réservent les détails. J'ai jeté un coup d'oeil sur le projet de loi une première fois lorsqu'il a été soumis à un examen rapide du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères.

Avant les audiences du comité, j'ai demandé aux hauts fonctionnaires du gouvernement pourquoi il était nécessaire d'avoir l'approbation du Parlement alors que les améliorations internationales pouvaient être mises en oeuvre sur la seule approbation du Cabinet. Pourquoi abuser du précieux temps du Parlement? On m'a répondu que l'examen du Parlement s'imposait seulement parce que cet accord international exigeait que des modifications soient apportées au Code criminel. Pourquoi? Parce que l'accord prévoit que les États membres conviennent que leur législation criminelle s'étende à la station spatiale et aux vols à destination et en provenance de la station spatiale.

Honorables sénateurs, je me réfère donc à l'article 11 du projet de loi qui modifie le Code criminel et à l'article 22 de l'Accord pour analyser les ramifications de cette application extraterritoriale de notre loi. J'ai découvert que les États membres incluaient l'Union européenne, les États-Unis, le Canada, le Japon et la Russie, et que les lois pénales de chacun de ces États s'appliqueraient.

Les honorables sénateurs se souviendront des amendements que j'avais proposés au projet de loi C-40, la Loi sur l'extradition, appuyé par mon collègue le sénateur Joyal, afin d'ôter au ministre de la Justice le pouvoir discrétionnaire dans le cas des demandes d'extradition provenant d'États où l'accusé pourrait être condamné à la peine de mort. La peine capitale a été abolie au Canada il y a près de trois décennies. Après un débat en bonne et due forme, ces amendements avaient été rejetés au Sénat. Les honorables sénateurs se souviendront que les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre avaient suivi les consignes du whip du Parti.

Le projet de loi C-4 ressuscite les mêmes questions qui avaient fait l'objet des amendements rejetés dans le cas du projet de loi C-40. Le ministre de la Justice garde le pouvoir discrétionnaire de décider ou non d'obtenir des garanties d'un État n'ayant pas aboli la peine capitale qui demande l'extradition, par exemple, d'un Canadien poursuivi pour meurtre. J'ai fait remarquer la position ingrate dans laquelle est mis le ministre de la Justice qui doit décider d'une question de vie ou de mort alors que la loi canadienne est claire - plus aucune condamnation à la peine capitale. Ce pouvoir redoutable s'applique maintenant à l'espace atmosphérique avec le projet de loi C-4.

Faisons une supposition. Supposons qu'un Canadien est accusé d'avoir commis un meurtre dans la station spatiale. Un Européen est également accusé d'avoir commis un meurtre dans la station spatiale. Le Canada et tous les pays membres de l'Union européenne ont aboli la peine capitale. La station spatiale a été lancée à partir du Texas, un État où la peine capitale n'a pas été abolie. L'Européen ne pourrait pas être extradé au Texas, à moins que cet État ne donne au pays membre de l'Union européenne en question la garantie que la peine capitale ne sera pas appliquée. En revanche, notre ministre de la Justice aurait le pouvoir discrétionnaire de décider ou non d'extrader le Canadien avec ou sans garantie que la peine de mort ne sera pas appliquée.

(1520)

Honorables sénateurs, la Cour suprême a été saisie de cette question par le truchement de la cause Rafay et Burns dont nous avons parlé durant notre débat sur le projet de loi C-40. Dans cette affaire, le ministre de la Justice était prêt à extrader vers le Texas deux jeunes Canadiens de 18 ans accusés de crimes punissables de mort sans avoir l'assurance que la peine de mort ne serait pas appliquée dans leur cas. Cela était contraire à l'article 7 de la Charte des droits je crois et certains juges de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique étaient aussi de cet avis. La cause fait maintenant l'objet d'un appel devant la Cour suprême du Canada qui l'a entendue le 5 octobre 1999.

La semaine dernière, au comité des affaires étrangères, des fonctionnaires nous ont dit que, par une ordonnance assez inhabituelle, la Cour suprême a demandé d'entendre à nouveau les plaidoiries. Par conséquent, la question soulevée dans l'amendement que le Sénat avait voulu apporter antérieurement au projet de loi C-40, et qui a été rejeté au Sénat, est encore à l'étude à la Cour suprême du Canada, quoique dans le contexte des faits étroits de cette cause en particulier. Voilà pourquoi je me suis abstenu de participer à l'étude article par article au comité et voilà aussi pourquoi j'ai l'intention de ne pas participer à l'étude à l'étape du rapport et à la troisième lecture.

Pourquoi s'abstenir au lieu de présenter un autre amendement? Les fonctionnaires nous ont dit que le gouvernement a l'intention de présenter les amendements appropriés si la Cour suprême décide de limiter la discrétion du ministre. Je me demande pourquoi cette hâte d'adopter le projet de loi. La Cour suprême devrait nous éclairer très bientôt. Si le gouvernement est encore pressé d'agir à ce moment là, je m'engage officiellement à réviser cette mesure législative si étrange et si incohérente lorsque la Cour suprême du Canada se sera prononcée.

Je m'abstiens et j'attends la décision de la Cour suprême; j'espère que le gouvernement agira avec célérité pour retirer au ministre de la Justice cette discrétion tout à fait anachronique et injuste.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, le projet de loi C-4, Loi de mise en oeuvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile, m'inquiète au plus haut point. Je suis reconnaissant au sénateur Grafstein d'avoir porté cette question à mon attention alors que je participais à l'étude du projet de loi S-10 au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Les dispositions prévues à l'article 11 du projet de loi C-4 suscitent des interrogations sur le pouvoir du ministre de la Justice d'autoriser l'extradition de ressortissants canadiens vers des États où la peine de mort est susceptible d'être imposée. L'article 11 de ce projet de loi modifie l'article 7 du Code criminel par l'adjonction de nouvelles dispositions ayant pour effet d'étendre l'application du Code criminel à la station spatiale internationale. Le nouveau paragraphe (2.31) du Code criminel précise ce qui suit:

- le membre d'équipage [...] qui accomplit, hors du Canada [...] un fait - acte ou omission - qui, s'il était accompli au Canada, constituerait une infraction punissable par acte d'accusation, est réputé avoir accompli ce fait au Canada.

Il en résulte que la compétence pénale du Canada s'étend désormais à la nouvelle station spatiale internationale. En outre, elle s'exerce en coopération avec 14 autres pays dans le cadre de l'accord international régissant la station spatiale. Par conséquent, les 14 autres États signataires adopteront des dispositions semblables dans leur droit pénal. L'article 11 du projet de loi C-4 soulève précisément la même question de fond que le paragraphe 42(2) du projet de loi C-40 présenté lors de la dernière session, à savoir le pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice d'ordonner l'extradition là où la peine de mort est applicable. Là encore, les personnes extradées du Canada ne bénéficient d'aucune protection contre la peine de mort.

Comme vous vous en souviendrez, j'ai énoncé les principes fondamentaux sous-jacents à ma position sur la question essentielle de la peine de mort au printemps dernier, lorsque le Sénat a étudié le projet de loi C-40, la loi sur l'extradition. Durant le débat à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi, j'ai appuyé un amendement proposé par le sénateur Grafstein qui aurait exigé que le ministre de la Justice obtienne une promesse de l'État requérant quant au fait que la peine de mort ne serait pas infligée ou que, si elle l'était, elle ne serait pas mise à exécution. La peine de mort serait plutôt changée en peine de prison à vie exécutoire sans possibilité de libération conditionnelle. Il est, selon moi, totalement incorrect et contraire à la disposition de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés de laisser la vie ou la mort d'un Canadien à la discrétion d'un ministre de la Couronne.

Ces questions importantes sont actuellement le sujet de l'affaire Rafay et Burns, qui a été entendue cette année par la Cour suprême du Canada. Cette affaire, comme vous vous en souviendrez, a trait à la décision de l'honorable Allan Rock, c.p., autorisant l'extradition de deux citoyens canadiens de 18 ans vers un État des États-Unis où ils sont inculpés de meurtre et où ils encourent la peine de mort. En formulant sa décision, M. Rock n'a pas cherché à s'assurer que la partie poursuivante dans cet État ne requerrait pas la peine de mort. La décision de la Cour suprême n'a pas encore été rendue, mais les doctes juges ont ordonné que l'affaire soit de nouveau entendue le 25 octobre 1999.

Dans le témoignage qu'il a fait le mardi 7 décembre 1999 devant le comité des affaires étrangères, M. Yvan Roy, avocat général de la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice, a expliqué que le pouvoir d'un ministre de la Justice d'autoriser l'extradition continuerait d'être un pouvoir discrétionnaire complet et sans entrave et qu'il n'est pas atténué par le projet de loi C-4. Voici ce qu'a dit M. Roy:

... le ministre de la Justice, qui est responsable de l'application de la Loi sur l'extradition, peut refuser de prendre un décret de remise lorsque la conduite à l'égard de laquelle on a présenté la demande d'extradition fait l'objet de poursuites criminelles au Canada intentées contre cette personne.

M. Roy a également reconnu que le jugement rendu dans l'affaire Burns et Rafay obligera peut-être le ministre à exiger des assurances avant d'autoriser l'extradition dans de tels cas. Voici ce qu'il a dit:

Monsieur le président, vous savez que la Cour suprême du Canada est présentement saisie de la question dans le cadre de l'affaire Burns et Rafay. Il se peut très bien qu'on devra invoquer un autre article de cette mesure législative, compte tenu de ce que la Cour suprême du Canada aura à dire si la peine de mort pouvait être imposée dans le pays étranger. D'après la loi actuelle, une telle obligation n'existe pas, mais cela deviendra peut-être la loi, d'après ce qu'établira ce jugement.

Honorables sénateurs, étant donné ces circonstances, et compte tenu des principes que j'ai déjà, le printemps dernier, exposés en détail dans le compte rendu du Sénat sur la question de la peine de mort, je ne puis, en toute bonne conscience, voter en faveur de l'article 11 du projet de loi C-4, qui donne effet à l'accord concernant la juridiction pénale partagée sur la Station spatiale internationale civile. Par conséquent, je tiens à faire savoir officiellement que j'ai l'intention de m'abstenir de voter lorsque la motion de troisième lecture du projet de loi C-4 sera mise aux voix.

[Français]

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, je donne avis que je m'abstiendrai de voter sur le projet de loi C-4, pour les mêmes raisons que celles qui ont été données par les honorables sénateurs Grafstein et Joyal.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je ne m'engagerai pas dans cette discussion soulevée par les sénateurs Grafstein et Joyal.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais demander votre indulgence. Je remarque qu'il est 15 h 29, et nous avons convenu de revenir à ce moment-ci à l'avis d'interpellation du sénateur Gauthier afin qu'il puisse prendre la parole pendant 15 minutes.

Je demande donc la permission de revenir à l'avis d'interpellation qui est inscrit au nom du sénateur Gauthier et qui concerne un rapport sur le récent Sommet de la Francophonie.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs pour permettre de passer à l'interpellation no 1?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Andreychuk: J'invoque le Règlement. Je rappelle aux honorables sénateurs que le comité des affaires étrangères a reçu la permission de siéger maintenant.

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Andreychuk, mais la permission a été accordée.

Le sénateur Andreychuk: Je veux avoir des instructions.

Son Honneur le Président: Madame le sénateur invoque-t-elle le Règlement?

Le sénateur Andreychuk: Le Sénat a autorisé le comité des affaires étrangères à se réunir à 15 h 30 aujourd'hui. Qu'importe, je suis prête à céder la parole au sénateur Gauthier.

(1530)

Le Sénat souhaite-t-il que je prenne la parole au sujet de cet article de l'ordre du jour maintenant ou que je la prenne plus tard pour pouvoir assister à la séance du comité, dont je suis un membre ayant le droit de vote? Je dois résoudre cette énigme tous les mardis et mercredis.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je ne suis pas sûr que le Sénat puisse aider le sénateur Andreychuk. C'est son choix. Elle est de toute évidence libre d'assister à la séance du comité puisque le Sénat a autorisé le comité à siéger en même temps que lui.

Je vais faire en sorte que madame le sénateur Andreychuk soit avisée lorsque nous reprendrons le débat sur le projet de loi C-4, soit dans 15 minutes environ, afin qu'elle puisse revenir pour participer au débat si tel est son souhait.

Le sénateur Andreychuk: Je vais demander à un de mes collègues de demander l'ajournement du débat en mon nom si je ne suis pas ici.

Le sénateur Hays: Comme nous espérons débattre le projet de loi C-4 aujourd'hui, je demanderais au sénateur Andreychuk de prendre la parole aujourd'hui.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je suis tout à fait disposé à prendre la parole après le sénateur Andreychuk, si elle est la dernière personne à prendre la parole sur cet article de l'ordre du jour.

Le sénateur Andreychuk: Je vais demander l'ajournement en mon nom et prendre la parole demain.

Le sénateur Hays: Je voudrais que nous le fassions aujourd'hui.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de tenir un long discours sur cette question. Nous avons amplement discuté de la peine capitale au moment de l'étude de la Loi sur l'extradition. J'ai fait clairement connaître mon opinion à ce moment-là, et je n'ai pas changé d'avis.

J'ai convenu qu'il était urgent de participer au processus de mise en oeuvre de l'accord sur la station spatiale. En conséquence, j'estime qu'il n'est pas dans l'intérêt public et que ce n'est pas une bonne pratique parlementaire que d'attendre la décision de la Cour suprême. Si la Cour suprême exige d'autres mesures législatives, on s'en occupera en temps et lieu. Pour l'heure, la loi est claire. Je le répète, la question a été débattue au moment de l'étude de la Loi sur l'extradition. Je n'ai pas changé d'idée à cet égard.

Je veux remercier le ministère de la Justice et le comité pour leur excellent travail relativement à l'article 11 du projet de loi C-4. Il y avait un problème avec la version anglaise et je crois comprendre que la version française se lit parfaitement bien. Nous adoptons une loi pénale canadienne et l'appliquons à la station spatiale. Aux termes de la définition de «crew member of a Partner State», les membres de l'équipage sont visés par nos lois pour un acte ou une omission qui «is committed on, or in relation to, a flight element provided by Canada or damages a Canadian flight element».

Il n'y a aucune définition de «Canadian flight element» dans le projet de loi et le ministère de la Justice a reconnu que même si on définissait l'expression «flight element», «a flight element provided by Canada» n'est pas nécessairement la même chose qu'un «Canadian flight element».

Même si on semble couper les cheveux en quatre pour certains, ceux qui vont être visés par une loi pénale ne partageront pas ce point de vue. Nous devons être très clairs. Toute personne accusée d'une infraction aux termes de cette loi mérite des dispositions précises.

J'ai été heureuse que le comité prenne mes préoccupations en délibéré. Le ministère a précisé que dans le prochain projet de loi d'ensemble, on va apporter des éclaircissements et insérer une définition précise pour qu'aucune personne comparaissant devant nos tribunaux ne soit placée dans l'incertitude. Je remercie le comité de cela. Alors que nous nous aventurons dans l'espace et créons un droit pénal extraterritorial, il est extrêmement important que nous soyons précis. J'ai été heureuse que le gouvernement et le ministère de la Justice acceptent mon point de vue.

Je vais souscrire à cette mesure législative.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pour veiller à ce que le compte rendu soit exact, le Sénat avait donné la permission d'entendre le sénateur Gauthier. Cette question a été mise à l'étude. Cependant, les honorables sénateurs ont ensuite décidé de revenir au débat de troisième lecture du projet de loi C-4, dont le Sénat discute maintenant.

Si aucun autre honorable sénateur ne souhaite intervenir, nous suspendrons le débat.

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsque le sénateur Andreychuk a demandé la parole, le sénateur Gauthier a accepté d'intervenir après elle pour répondre à son souhait d'assister à une réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je crois comprendre qu'on s'entend pour que le sénateur Gauthier parle maintenant de l'interpellation numéro 1 inscrite en son nom à l'ordre du jour.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, il est tout à fait clair que nous nous sommes entendus pour suspendre le débat sur le projet de loi qui est à l'heure actuelle à l'étape de la troisième lecture pour entendre le sénateur Gauthier sur son interpellation.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée de passer aux interpellations?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le Sommet de la Francophonie

Interpellation-Ajournement du débat

Permission ayant été accordée de passer à l'interpellation numéro 1:

L'honorable Jean-Robert Gauthier, ayant donné avis le mercredi 13 octobre 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le récent Sommet de la Francophonie qui s'est tenu à Moncton au mois de septembre dernier.

- Honorables sénateurs, j'ai donné avis, le 13 octobre dernier, que j'attirerais l'attention de la Chambre sur le récent Sommet de la Francophonie, qui s'est tenu à Moncton en septembre dernier.

Le Sommet de la Francophonie qui a eu lieu à Moncton au Nouveau-Brunswick, au début du mois de septembre, comportait un ordre du jour pour le moins chargé. Malheureusement, les feux de la rampe se sont rapidement détournés des travaux que devaient aborder les différents chefs d'États réunis pour se braquer sur la légalité ou la légitimité de la présence de certaines personnes au Sommet.

Comme vous le savez, j'ai eu l'honneur de présider, lors des deux dernières années, l'Assemblée des parlementaires de la Francophonie. Je traiterai donc quelque peu dans ma présente intervention du rôle de l'APF auprès du sommet, pour ensuite aborder l'épineuse question de la légitimité et de la capacité de représentation d'un chef d'État qui serait soupçonné d'avoir enfreint certains droits que nous considérons, au Canada, comme fondamentaux et élémentaires dans toute société libre et démocratique.

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie, comme vous le savez, constitue un lien précieux entre les instances de la Francophonie et les populations francophones, puisque l'assemblée dispose de 47 sections au sein des Parlements, États et communautés francophones ainsi que 12 sections associées.

Outre un important travail de réflexion et de coopération interparlementaire, elle participe à la mise en place et au renforcement des institutions démocratiques et aux missions d'observation d'élections.

Lors du Sommet de Maurice, au mois d'octobre 1993, après avoir réaffirmé la place imminente de l'institution parlementaire au c9ur de la démocratie représentative et de l'État de droit du sommet, on a considéré que l'APF, seule organisation parlementaire de la Francophonie, constitue le lien démocratique entre les gouvernements et les peuples de la Francophonie.

(1540)

En conséquence, il a été décidé de reconnaître l'APF comme l'Assemblée consultative de la Francophonie, ce qu'a confirmé la Charte de la Francophonie adoptée à Hanoi en novembre 1997, et qui créait, par ailleurs, le poste de secrétaire général de la Francophonie, occupé par M. Boutros Boutros-Ghali, ex-secrétaire général de l'ONU.

Pour devenir conforme à la Charte, l'assemblée a décidé lors de sa session ordinaire d'Abidjan, en juillet 1998 d'adopter le nom d'Assemblée parlementaire de la Francophonie.

À titre d'Assemblée consultative du sommet, l'Assemblée parlementaire de la Francophonie a participé au Sommet de Moncton au cours duquel son nouveau président, M. Nicolas Amougou Noma, premier vice-président de l'Assemblée générale du Cameroun, a fait une intervention devant les chefs d'État et de gouvernement.

Au cours de son intervention, M. Nicolas Amougou Noma a notamment réaffirmé l'attachement de l'APF à la démocratie parlementaire, à l'État de droit, ainsi que son opposition à toute transmission du pouvoir par la force des armes. Il a rappelé les prises de position de l'APF contre les enfants soldats et en faveur de la mise en place rapide de la future cour pénale internationale.

L'Assemblée des parlementaires de la Francophonie appuie la décision prise lors du sommet de créer un observatoire de la démocratie, qu'elle a toujours appelé de tous ses voeux et auquel elle entend participer en apportant l'expertise des parlementaires. L'APF se réjouit également de l'accueil favorable réservé à son projet de création d'un parlement des jeunes francophones, à la mise en place duquel elle souhaite être étroitement associée. Elle a noté avec beaucoup d'intérêt les déclarations du sommet concernant la diversité linguistique en faveur de laquelle elle s'est engagée vigoureusement.

En revanche, elle ne peut que s'interroger sur l'accroissement continu, depuis plusieurs années, du nombre de membres de la Francophonie, dont la vocation n'est pas de devenir une seconde Organisation des Nations Unies, pas plus qu'un second Commonwealth. À l'avenir, de nouvelles adhésions devront être conditionnées par des engagements concernant l'usage du français dans le cadre des relations internationales et de l'enseignement.

Enfin, l'APF rappelle qu'elle ne compte dans ses rangs que les assemblées parlementaires élues dans le strict respect des normes constitutionnelles de leur pays et qu'elle a suspendu les membres qui avaient cessé de respecter ce principe. Elle n'en a donc que plus d'habileté pour dénoncer la campagne qui voudrait accuser la Francophonie de complaisance particulière à l'égard des régimes dictatoriaux. Elle exprime sa conviction de la nécessité d'une action permanente en faveur de la démocratie au quotidien, du type de celle qu'elle mène actuellement, des missions d'observation d'élections, de la formation des élus, des forums, des réunions régulières pour discuter des meilleurs façons d'agir en tant comme parlementaires dans un pays démocratique.

À ce sujet, les médias ont fait grand état de la présence d'un représentant du Rwanda et du Congo. Ainsi, à mon sens, ils ont porté ombrage aux travaux du sommet et entaché cet exercice si crucial à la vitalité de la Francophonie internationale. J'ai pris la liberté d'écrire au premier ministre Jean Chrétien à ce sujet le 24 août dernier.

Dans sa réponse du 31 août, le premier ministre me fait part de la volonté du Canada, et je cite:

[...] de respecter son obligation à l'endroit de la Francophonie, soit permettre aux représentants de tous les pays membres de se réunir au Canada pour ce VIIe Sommet.

Cependant, cela ne signifie aucunement que nous cautionnons les violations commises par certains gouvernements ou individus qui pourraient y participer.

Je comprends la position du premier ministre, mais je crois qu'il est grand temps de redéfinir l'éligibilité de certains dirigeants à participer à des rencontres d'envergure internationale.

D'ailleurs, à ce sujet, le ministre des Affaires étrangères du Canada, l'honorable Lloyd Axworthy, reconnaissait que le Canada était ou serait en faveur d'un droit d'ingérence humanitaire. On consacre donc le principe de la préséance de la sécurité humaine sur toute autre activité, incluant même le développement du commerce.

Je me rallie à une telle position. Elle rejoint, à mon sens, l'opinion que j'exprimais au premier ministre, à savoir que les droits de l'homme doivent avoir préséance sur bon nombre de coutumes et de pratiques en matière de relations internationales.

Je crois personnellement qu'il sera bientôt possible d'imposer, comme condition sine qua non à une représentation internationale légitime, le respect des droits humains pour les pays désirant participer à une conférence internationale. Il s'agirait d'un redoutable outil pour montrer la voie à certains pays récalcitrants, au même titre que les embargos commerciaux et la rupture des liens diplomatiques.

J'espère, honorables sénateurs, qu'on donnera suite à cette recommandation faisant que les États qui voudront participer aux organisations internationales devront dorénavant respecter les droits humains en tout temps.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La loi de mise en oeuvre de l'Accord sur la Station spatiale internationale civile

Troisième lecture

Permission ayant été accordée de revenir à l'article 1 des affaires du gouvernement:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stollery, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord conclu entre le gouvernement du Canada, les gouvernements d'États membres de l'Agence spatiale européenne, le gouvernement du Japon, le gouvernement de la Fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la Station spatiale internationale civile et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il un autre honorable sénateur qui désire intervenir dans le débat sur la motion portant troisième lecture du projet de loi C-4?

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Si l'honorable sénateur prend la parole maintenant, son discours mettra fin au débat en troisième lecture.

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, les Canadiens sont parmi les plus grands utilisateurs de technologie spatiale et ils vivent dans un des pays les plus branchés au monde. Cela s'explique par une volonté inébranlable d'ouvrir des débouchés pour notre industrie, nos chercheurs, nos astronautes et, par-dessus tout, les générations futures de Canadiens.

Le projet de loi C-4 vise essentiellement à permettre au Canada de saisir toutes les possibilités qu'offre la Station spatiale internationale. Le projet de loi est l'instrument de ratification de notre contribution à cette remarquable entreprise spatiale, mais il n'est qu'un petit pas pour le Canada dans un projet qui représente un pas de géant pour l'humanité. Il n'est que normal qu'un projet d'une telle portée et d'une telle grandeur exige que l'on définisse un système de gestion très complexe. Les parties à l'entente, à savoir le Canada, les États-Unis, la Russie, le Japon et 11 pays européens, ont entrepris d'établir un cadre de collaboration internationale en vue de la conception détaillée, du développement, de l'exploitation et de l'utilisation, à des fins pacifiques, d'une Station spatiale internationale civile habitée en permanence. L'accord prévoit des mécanismes et des arrangements visant à s'assurer que ces objectifs seront atteints.

Juridiquement parlant, le projet de loi C-4 met à exécution les engagements que nous avons pris en vertu du protocole d'entente intergouvernemental en harmonisant la législation canadienne avec cet accord. Fait plus important, le projet de loi C-4 étend l'application du Code criminel du Canada aux Canadiens à bord de la station spatiale ainsi que, dans certaines circonstances, aux ressortissants étrangers. Le principe est le même que dans les autres applications extraterritoriales du Code criminel du Canada, par exemple sur les plateformes de forage en mer. En outre, le projet de loi C-4 permet de nous assurer que le gouvernement canadien dispose des renseignements essentiels pour lui permettre d'exécuter ses obligations au titre de l'Accord sur la station spatiale et que les renseignements fournis sont utilisés exclusivement à cette fin.

Je voudrais remercier mes collègues, en particulier, les membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour le vif intérêt qu'ils ont manifesté à l'égard de ce projet de loi et de la SSI. En tant que président du comité, j'ai été encouragé de voir l'attention que portaient les membres de ce dernier à cette importante étape de l'histoire du Canada dans l'espace.

Durant les audiences du comité, certains points ont été soulevés et débattus, notamment des questions relatives aux codes de conduite, à la juridiction et à l'application extraterritoriale. Je suis heureux de dire que grâce à la diligence et à l'efficacité des sénateurs, nous nous sommes encore rapprochés de l'adoption de ce projet de loi historique. Sa ratification ouvrira la voie au Canada et, ultimement, à tous les partenaires participant au programme de la station spatiale, en ce qui concerne l'exploitation et l'utilisation du plus grand laboratoire spatial du monde occupé en permanence, et donnera naissance à une nouvelle ère d'exploration spatiale.

À l'aube du nouveau siècle, le Canada est un leader mondial dans le domaine de la technologie spatiale, prêt à tirer parti des débouchés qu'offrira l'économie axée sur le savoir qui est celle de l'avenir.

(1550)

Le prochain siècle étant à nos portes, nous réaffirmons, avec le projet de loi C-4, notre participation au projet de Station spatiale internationale civile, en fournissant le bras et la main robotiques qui permettront de l'assembler et en donnant aux scientifiques canadiens accès à cet extraordinaire laboratoire orbital. Les Canadiens éprouveront une grande fierté à observer, «en direct de l'espace», les astronautes canadiens participant à cet événement marquant de l'histoire de l'humanité.

Il ne fait aucun doute que, en ce début de nouveau millénaire, nous nous préparons également à repousser les frontières de notre univers, à réaliser d'importantes découvertes scientifiques, et à faire des progrès technologiques novateurs. Nous ne pouvons même pas imaginer les découvertes les plus importantes susceptibles d'être faites dans les 25 à 50 prochaines années.

Imaginons comment, il y a 100 ans, étaient envisagés les progrès scientifiques accomplis depuis. Les théories révolutionnaires sur la matière, l'évolution et la thermodynamique des années 1800 ont dû paraître d'un progrès ahurissant. Pourtant, ce ne sont pas les sceptiques qui manquent, dont l'imagination ne parvient pas à suivre l'évolution rapide de la science et de la technologie. Qu'il me soit permis de rappeler à ce sujet quelques anecdotes historiques amusantes.

Charles H. Duell, directeur du Bureau des brevets aux États-Unis, avait déclaré en 1899 que «tout ce qui était à inventer l'avait déjà été». En 1943, Thomas Watson, président d'IBM, aurait déclaré «il existe un marché mondial pour cinq ordinateurs tout au plus». Il n'est pas étonnant que, dans un numéro de 1949 de la revue Popular Mechanics, on ait prédit que «les ordinateurs de l'avenir pourraient ne peser qu'une tonne et demie». Par ailleurs, une note de service interne de la Western Union, entreprise américaine de télécommunications, déclarait que «la technologie du téléphone laisse trop à désirer pour être sérieusement envisagée comme moyen de communication».

Lorsque Bell a inventé le téléphone en 1876, il envisageait de grandes possibilités pour son innovation. Toutefois, regardez où nous en sommes maintenant rendus. Bell aurait-il pu s'imaginer la façon dont les lignes téléphoniques ont transformé notre société et dont elles sont maintenant utilisées pour effectuer des transmissions avec images vidéos à des destinataires multiples? Depuis le décès de Bell en 1922, l'industrie mondiale des communications au sein de laquelle des sociétés canadiennes joue un rôle de chef de file a connu une révolution étonnante. Les Canadiens communiquent désormais dans un univers sans fil. Selon les estimations, entre 270 et 350 satellites de télécommunication seront lancés d'ici 2007 en vue d'appuyer l'infrastructure mondiale de l'information en pleine croissance dont les recettes doubleront d'ici l'an 2005.

L'«appareil électrique de transmission de la voix» de Bell a ouvert la voie à l'autoroute de l'information que nous connaissons aujourd'hui. Qui aurait pu s'imaginer que l'industrie électronique en direct, aussi appelée commerce électronique, qui n'existait pas à la fin de 1993 connaîtrait avant la fin de 1995 une croissance qui lui permettrait de revêtir la même importance que l'acier et l'automobile à leur époque.

Le milieu médical, grâce aux travaux menés dans les domaines de l'espace, des sciences et de la technologie, s'emploie à éliminer complètement certaines maladies et à trouver des solutions à certaines autres. Le milieu scientifique, au sein de laquelle les scientifiques canadiens de l'espace sont les chefs de file, contribue à notre compréhension de l'univers et des effets du réchauffement global de l'atmosphère. Le milieu industriel, grâce à l'industrie spatiale canadienne, produit des recettes annuelles supérieures à 1,4 milliard de dollars, et crée des emplois, de la richesse et de l'expertise pour un marché mondial sans cesse croissant.

Le courage de prendre des risques et la persévérance sur la voie du succès sous-tendent chaque découverte et chaque innovation. Il y a eu bon nombre de tentatives de faire voler un appareil plus lourd que l'air avant que soit mesuré le vol d'un mille effectué par les frères Wright. Placer un homme en orbite, et ne serait-ce même qu'atteindre un lieu distant, a été une entreprise difficile; de plus, comme nous le voyons aujourd'hui, les efforts actuels de la NASA en vue d'explorer la surface de Mars ne constituent certainement pas un de ses plus beaux moments, contrairement à ce qui a été le cas il y a 30 ans à l'occasion des premiers pas historiques de Neil Armstrong.

En dépit des échecs, chaque jalon doit être perçu comme faisant partie du besoin intrinsèque de l'humanité d'explorer et de comprendre l'inconnu. Au cours des 50 prochaines années, il n'existe aucune façon de savoir quelle petite pierre retournée, même s'il s'agit d'une pierre sur la surface de la planète Mars, mènera à un nouvel univers des sciences.

Alexander Graham Bell a déjà déclaré ce qui suit:

Lorsqu'une porte se ferme, une autre s'ouvre; toutefois, il nous arrive si souvent de fixer pendant longtemps et à regret la porte close que nous ne voyons pas les autres portes qui s'ouvrent devant nous.

La Station spatiale internationale civile n'est qu'une des portes qui s'ouvrent au Canada. Elle fait du Canada un des principaux partenaires dans l'aventure spatiale la plus audacieuse jamais entreprise et invite la contribution des chercheurs et des astronautes de notre pays ainsi que de la technologie et des expériences scientifiques canadiennes.

L'investissement à long terme le plus remarquable dans ces partenariats est la création de débouchés qui amènent nos jeunes à reconnaître qu'ils peuvent eux aussi jouer un rôle dans les découvertes du nouveau millénaire et à vouloir y participer. C'est donc avec beaucoup de fierté que j'invite les honorables sénateurs à appuyer ce jalon pour l'ensemble des Canadiens et de l'humanité dans les domaines de l'exploration spatiale et de l'innovation technologique.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Stollery, appuyé par le sénateur Sibbeston, propose: Que le projet de loi soit lu maintenant une troisième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Français]

Projet de loi de 1999 pour la mise en 9uvre de conventions fiscales

Troisième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose: Que le projet de loi S-3, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan, la Jordanie, le Japon et le Luxembourg, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-3, Loi de 1999 pour la mise en 9uvre de conventions fiscales.

Le projet de loi modifie la convention fiscale entre le Canada et le Japon, porte la mise en oeuvre de nouvelles conventions avec le Kirghizistan, le Liban, l'Algérie, la Bulgarie, le Portugal, l'Ouzbékistan et la Jordanie, et remplace la convention en vigueur avec le Luxembourg.

Les conventions visées par le projet de loi revêtent une importance particulière pour les entreprises et les citoyens du Canada qui mènent des activités dans ces pays et y investissent. Permettez-moi de vous exposer le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi.

Les conventions fiscales ont deux grands objectifs: éviter la double imposition et prévenir l'évasion en matière d'impôt sur le revenu.

Vous comprendrez donc que les conventions fiscales ont une incidence sensible sur deux des priorités de l'État, soit, d'une part, la promotion du commerce et des investissements, soit, d'autre part, l'équité fiscale.

Les conventions fiscales se rapportent directement au commerce international de biens et de services, et elles influent de façon tangible sur l'économie intérieure. Faut-il rappeler que la valeur des exportations du Canada représente à l'heure actuelle plus de 40 p. 100 du PIB annuel?

La santé économique du Canada au fil des ans est également tributaire des investissements directs étrangers ainsi que de la réception de renseignements, de capitaux, de technologies, de redevances, de dividendes et d'intérêts - or, les conventions fiscales facilitent ces échanges.

En outre, les conventions fiscales contribuent à l'équité du régime fiscal en garantissant que les Canadiens ne sont pas victimes d'une double imposition, situation qui peut surgir lorsqu'un contribuable réside dans un pays, mais gagne un revenu dans un autre pays. À défaut de conventions fiscales, l'un et l'autre pays pourraient imposer ce revenu.

Parmi les solutions possibles à ce problème, le pays de résidence peut exonérer ce revenu d'impôt ou accorder un crédit en vertu d'une convention fiscale au titre de l'impôt payé au pays où le revenu a été gagné.

Les pays concernés peuvent également convenir de réduire le taux de retenue aux fins d'impôt. En effet, les pays prévoient en général des retenues au titre de l'impôt sur le revenu versé aux non-résidents. En l'absence de convention fiscale ou d'une autre forme d'exonération prévue par la loi, le taux de retenue appliqué par le Canada sur le revenu des non-résidents est de 25 p. 100.

Les conventions fiscales visées par le projet de loi S-3 prévoient des taux de retenue réduits notamment à l'égard des dividendes, intérêts et redevances pour les Canadiens menant des activités dans les pays en question.

(1600)

Laissez-moi vous donner quelques précisions. Le taux maximum de retenue d'impôt sur les dividendes reçus par des entreprises détenant au moins 10 p. 100 des droits de vote de la société versant les dividendes sera de 5 p. 100 aux termes des conventions avec le Luxembourg, le Liban et l'Ouzbékistan, et de 10 p. 100 aux termes de la convention avec la Bulgarie et la Jordanie.

En vertu de notre convention avec le Portugal, une entreprise doit détenir au moins 25 p. 100 des droits de vote d'une société pour être assujettie au taux de retenue maximum de 10 p. 100 sur les dividendes. Les conventions avec l'Algérie et le Kirghizistan prévoient un taux de retenu maximum de 15 p. 100 sur tous les dividendes.

Dans le cas des intérêts, le taux de retenue minimum est de 10 p. 100 conformément aux conventions avec la Bulgarie, le Luxembourg, la Jordanie, l'Ouzbékistan, le Liban et le Portugal, et de 15 p. 100 en application des conventions avec l'Algérie et le Kirghizistan.

Une exonération est prévue dans certains cas à l'égard des intérêts, par exemple ceux que rapportent certains types d'emprunts de l'État.

Une retenue maximale de 10 p. 100 au titre de l'impôt sera appliquée sur les redevances aux termes de nos conventions avec la Bulgarie, le Luxembourg, la Jordanie, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan et le Portugal. Le taux maximal prévu par la convention avec l'Algérie, toujours à l'égard des redevances, sera de 15 p. 100. Également, certaines conventions comportent une disposition d'exonération ou appliquent un taux maximum de retenue de 5 p. 100 sur les redevances applicables aux droits d'auteur, aux logiciels et aux brevets et savoir-faire.

Le protocole conclu avec le Japon porte la réduction des retenues applicables aux dividendes interentreprises, dont le taux maximum est porté à 5 p. 100 et exonère les sociétés canadiennes qui exploitent des navires ou des aéronefs dans le domaine du transport international, des impôts des entreprises appliqués à l'échelle locale au Japon. Les provinces canadiennes accordent déjà cette exonération de courtoisie aux entreprises japonaises qui exercent de telles activités au Canada.

Je tiens à mentionner un autre volet important du projet de loi S-3, c'est-à-dire les règles envisagées à l'égard de l'imposition des gains réalisés par les émigrants avant leur départ.

Les conventions avec le Luxembourg, le Portugal, le Liban et la Jordanie se conforment à ces nouvelles règles en prévoyant des mesures en cas de double imposition dans une telle situation.

Étant donné que la plupart des conventions signées par le Canada, y compris celles avec l'Ouzbékistan, la Bulgarie, l'Algérie et le Kirghizistan, ont été négociées avant l'annonce de ces règles, une disposition a été incorporée aux règles envisagées sur la migration des contribuables afin que le Canada puisse accorder unilatéralement un crédit pour impôt étranger aux émigrants et ce, jusqu'en 2007. Cette démarche évite tout risque de double imposition des gains réalisés avant le départ des émigrants, d'ici à ce que les conventions en question aient été renégociées de manière à être conformes aux nouvelles règles. La même disposition s'applique dans le cas du Japon, qui a demandé que cette question soit étudiée lors des prochaines négociations.

J'aimerais enfin répondre aux préoccupations exprimées par quelques honorables sénateurs quant à la convention de double imposition avec l'Ouzbékistan, à cause des pratiques de ce pays en matière de droits de la personne.

Honorables sénateurs, le respect des droits de la personne, et le sénateur Gauthier en a parlé plus tôt, aussi bien sur la scène internationale qu'à l'intérieur même de notre pays, revêt une importance décisive pour la politique de notre gouvernement. Les politiques du Canada en la matière sont fermement ancrées dans des valeurs qui sont fondamentales pour nos compatriotes.

Ces valeurs trouvent leur incarnation dans nos institutions et pratiques démocratiques, dans les commissions fédérales et provinciales des droits de la personne, dans la Charte des droits et libertés, et dans nos traditions de paix, d'ordre et de bon gouvernement.

L'approche du Canada en matière de droits de la personne depuis 1986, sans égard aux changements de gouvernement, est l'engagement et le dialogue. Le Canada est d'avis que l'établissement d'un dialogue à plusieurs niveaux avec les pays qui nous causent des préoccupations en matière de droits de la personne est un moyen efficace de promouvoir la transparence, le respect des droits de la personne et l'adhésion à la règle de droit.

Notre politique s'inspire avant tout du pragmatisme, un pragmatisme encadré par des principes, au moyen duquel nous nous efforçons de définir les mesures concrètes qui déboucheront sur un changement positif et réel dans le pays en cause.

Les mesures que nous prenons varient forcément selon le pays, selon le degré de volonté de discuter avec le Canada de questions touchant les droits de la personne, la portée de notre influence sur ce pays ou sur sa région, le nombre et la force des ONG qui y oeuvrent en faveur des droits de la personne, et en fonction de tout un éventail d'autres facteurs.

Dans le cas de l'Ouzbékistan, que ce soit au niveau bilatéral ou multilatéral, le Canada engage ce pays à entreprendre des réformes économiques et démocratiques et à mieux respecter les droits de la personne.

Au niveau multilatéral, l'Ouzbékistan a accédé en 1994 et 1995 à six traités importants des Nations Unies sur les droits de la personne, ce qui permet au Canada et aux autres États membres des Nations Unies de vérifier si l'Ouzbékistan satisfait à ses obligations aux termes de ces traités. Ce pays a, en outre, signé l'Acte final d'Helsinki, de sorte qu'il est maintenant membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le Canada appuie les programmes de surveillance et de démocratisation de l'OSCE dans ce pays. C'est à ce titre que l'ACDI a parrainé la participation de représentants d'organisations ouzbékes de défense des droits de la personne à une grande conférence de l'OSCE sur cette question, tenue à Varsovie en 1998.

Par ailleurs, l'Agence canadienne de développement international accorde son appui à un certain nombre de projets ouzbeks dans le domaine des droits de la personne, notamment la préparation et la distribution d'une brochure sur la Déclaration universelle des droits de l'homme par le Centre national des droits de la personne d'Ouzbékistan.

L'Ouzbékistan est un des nouveaux États indépendants de l'ex-Union soviétique. Le Canada a signé une convention de double imposition avec l'Union soviétique en 1985. Par suite du démantèlement de l'Union soviétique, il a dû négocier de nouveaux accords avec les États, tel l'Ouzbékistan, qui ne font pas partie des États successeurs liés par la convention de double imposition conclue avec l'ex-Union soviétique.

Le Canada a entrepris des négociations en 1995, en raison de l'intérêt que manifestent les entreprises canadiennes pour ce marché, notamment pour le secteur des ressources naturelles. L'Ouzbékistan est un des plus grands pays producteurs d'or au monde. On y trouve, en outre, d'importants gisements de cuivre, d'argent, de tungstène et de zinc. Son sous-sol renferme aussi du gaz naturel, du pétrole et de l'uranium.

À ce jour, bien que les échanges du Canada avec l'Ouzbékistan s'avèrent modestes, les entreprises canadiennes continuent de s'intéresser à des secteurs tels que l'exploitation minière, les télécommunications et, tout dernièrement, l'éducation, en particulier la création d'écoles d'études commerciales en Ouzbékistan et la réforme du système d'éducation.

La négociation d'une convention de double imposition avec l'Ouzbékistan est conforme à la volonté du Canada de faciliter le passage d'une économie dirigée à une économie de marché, et de promouvoir le développement démocratique dans les nouveaux États indépendants de l'ex-Union soviétique. Des instruments juridiques comme la convention contribuent à favoriser la transparence, la prévisibilité et le respect de la primauté du droit dans nos relations économiques bilatérales.

Honorables sénateurs, le Canada continuera de s'engager dans un dialogue avec l'Ouzbékistan, de façon à encourager ce pays à améliorer ses pratiques en matière de développement démocratique, de respect des droits de la personne et de réforme économique.

Cependant, il est difficile de s'implanter sur les marchés de l'ex-Union soviétique et cela nécessite une préparation de longue haleine. Les instruments juridiques qui aident à le faire, telle la convention de double imposition, consistent en des accords-cadres qui protègent les intérêts des Canadiens et des entreprises canadiennes. Lorsque ces dernières choisissent d'étendre leurs activités à des marchés difficiles, comme celui de l'Ouzbékistan, ces instruments ont pour avantage d'éclaircir les règles et d'améliorer la prévisibilité.

Avant de terminer, j'aborderai deux autres points. Sachez d'abord, honorables sénateurs, que lorsque les dispositions d'une convention fiscale diffèrent de celles contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, la convention fiscale prime, de façon à garantir que les objectifs que j'ai mentionnés plus tôt soient atteints. Ensuite, le fait que ces conventions soient structurées pour la plus grande partie sur le modèle de convention de double imposition élaboré par l'Organisation de coopération et de développement économique et accepté par la plupart des pays, permet de croire qu'elles sont conformes aux normes internationales en la matière et qu'elles ne prêtent pas à controverse.

Honorables sénateurs, l'élimination de la double imposition sur le plan des opérations commerciales touchant les pays visés par ce projet de loi ne peut qu'être à l'avantage des commerçants et des investisseurs canadiens qui y font affaire, et favoriser du même coup des relations internationales harmonieuses et des échanges commerciaux fructueux.

(1610)

À l'heure actuelle, le Canada a conclu des conventions fiscales avec 67 pays. Ce chiffre montera à 74 une fois que les conventions visées par ce projet de loi entreront en vigueur, ce qui va dans le sens de l'objectif du Canada d'étendre son réseau de conventions fiscales internationales.

Honorables sénateurs, je vous demande donc instamment d'adopter rapidement ce projet de loi.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Andreychuk aurait aimé, elle aussi, se prononcer sur ce projet de loi, mais elle a dû se rendre à la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Je propose l'ajournement du débat en son nom, et je sais qu'elle en touchera un mot demain.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme la fin de l'année approche à pas de géants, pourrais-je demander au sénateur Kinsella si d'autres membres de l'opposition, outre le sénateur Andreychuk, souhaitent prendre la parole sur l'article?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai également l'intention d'intervenir au sujet de ce projet de loi. Je compte le faire demain. Je crois que nous sommes les deux seuls sénateurs qui souhaitent prendre la parole.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Le discours du trône

Motion d'adoption de l'adresse en réponse

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kroft, appuyée par l'honorable sénateur Furey, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'elle a prononcé lors de l'ouverture de la deuxième session de la trente-sixième législature.-(8e jour de la reprise du débat).

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer au débat sur le discours du Trône, même si je partage l'avis de la plupart des observateurs et commentateurs, à savoir que le discours du Trône est dépourvu de vision et ne nous apprend pas grand-chose sur les intentions du gouvernement. Je n'ai qu'une chose à dire à ce sujet: Quelle surprise!

Cela m'amène au coeur de mon discours: la gestion économique, sans opposition aucune, pratiquée par le premier ministre et le premier ministre en attente. Voici comment le Cabinet du premier ministre résume le discours du Trône:

L'ère de la croissance effrénée des déficits et de la dette publique est derrière nous - pour de bon. Nous avons présenté des budgets équilibrés pour deux exercices financiers consécutifs - ce qui ne s'était pas vu depuis 1951-1952. Le ratio de la dette au PIB diminue constamment.

Comme ils ne sont pas contestés, les faiseurs d'image et de propagande du gouvernement sont toujours parvenus apparemment à faire croire aux Canadiens que le gouvernement précédent était responsable de cette situation. Ils ont déformé les faits. Je suis bien consciente, honorables sénateurs, que les seuls mots qui puissent décrire cette tactique seraient considérés antiparlementaires.

Le gouvernement a présenté sous un faux jour toutes les initiatives de l'ancien gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney: le libre-échange, la TPS, la privatisation et la déréglementation, l'agrandissement de l'aéroport Pearson, et l'achat d'hélicoptères, pour ne mentionner que celles-là. Comme il a adopté systématiquement toutes ces politiques qu'il avait dénoncées, pourquoi le laisse-t-on prétendre qu'il a «hérité d'un gâchis», pour employer les paroles du premier ministre?

Quels sont les faits? Honorables sénateurs, à l'automne 1993, le déficit s'élevait à 37,5 milliards de dollars. Les libéraux sont arrivés au pouvoir en novembre 1993, et se sont alors empressés d'ajouter toutes les dépenses imaginables à ce chiffre pour l'augmenter le plus possible avant la fin de l'exercice 1993-1994, qui s'est terminé en mars 1994. Ils ont eu cinq mois pour accomplir leur travail. Ils lançaient le chiffre spéculatif de 44 à 46 milliards de dollars peu après leur arrivée au pouvoir, espérant qu'il resterait ancré dans l'esprit de la population, ce qui s'est produit, malheureusement. Après bien des efforts, ils ont réussi à faire grimper le chiffre du déficit à 42 milliards de dollars. Leur but était clair: atteindre un chiffre supérieur à celui de 38 milliards de dollars, soit le déficit qui existait lorsque le gouvernement progressiste conservateur a été formé en 1984.

Comment s'y sont-ils pris? Ils ont ajouté aux registres des dépenses qui étaient en fait prévues pour les années à venir. En voici quelques exemples: les remises de la TPS, 0,6 milliard de dollars; le versement anticipé de remboursements d'impôt, 1,8 milliard; les frais de restructuration du ministère de la Défense, 7 milliards; les paiements de stabilisation provinciale non payables avant 1996 et 1997, 1,4 milliard; les impôts à payer sur les ressources, 0,5 milliard. En fait, honorables sénateurs, trois des montants susmentionnés n'ont pas été payés au 31 mars 1993, même s'ils avaient été inscrits aux registres pour l'exercice 1993-1994.

Le vérificateur général a dénoncé cette pratique, mais le gouvernement s'en moquait. Les libéraux avaient besoin d'un chiffre donné pour leur propagande politique. Ils étaient disposés à accepter la critique négative des médias pendant un jour ou deux pour réaliser leur programme politique.

Pourquoi ne l'auraient-ils pas fait? Ils n'étaient confrontés à aucune opposition au Parlement et, à l'époque, ils bénéficiaient de l'appui de médias accommodants, voire souvent serviles. Les partis d'opposition, le Bloc et le Parti réformiste, voulaient davantage détruire le Parti progressiste-conservateur qu'exiger des comptes du gouvernement. Le Parti libéral a donc perpétué un mythe dont il a fait une réalité et que ses membres continuent encore d'évoquer, comme les phoques savants qu'ils sont. Comme on connaît leurs fausses représentations dans tous les autres domaines, il est étonnant qu'on ne les ait pas remis en question à cet égard aussi. Pour inventer des histoires, ils sont très forts. Je suppose que, pour un libéral, c'est merveilleux. Cela leur est bien utile pour perpétuer ce mythe. Puisque la droiture n'a jamais été la préoccupation majeure des libéraux ou de ceux qui font leur apologie - tous les coups sont permis en amour, à la guerre et en politique, dit-on - acceptons cela comme une triste réalité qui, soit dit en passant, ne fait qu'alimenter la triste opinion qu'a la population de la politique et des politiciens.

Regardons l'affaire sous un autre angle, honorables sénateurs, soit en faisant ressortir les torts à redresser, et espérons que cela aidera à faire comprendre la situation à tous les observateurs de la scène politique. C'est justement ce que j'entends faire: redresser les faits.

En 1984, la situation dont héritait le nouveau gouvernement progressiste-conservateur était désastreuse. Le chef libéral de l'Ontario, David Peterson, avait déclaré à l'époque: «Brian Mulroney hérite d'un épouvantable gâchis.» Le vice-premier ministre et secrétaire d'État aux Affaires extérieures sortant, Jean Chrétien, avait déclaré, avec une franchise inhabituelle qu'il n'a jamais manifestée depuis: «Nous laissons le garde-manger vide.»

En octobre dernier, Michael Bliss, dans une chronique intitulée: «Trudeau à 80 ans - un piètre héritage», écrivait ce qui suit:

L'échec du gouvernement Trudeau à l'égard de la politique économique était si complet que même les ruines ont disparu. Qui, à part les archéologues de l'histoire, se souvient de l'Agence d'examen de l'investissement étranger, des modalités du Programme énergétique national et du contrôle des salaires et des prix? Qui s'en soucie?

Il poursuivait de la façon suivante:

Même lorsque Pierre Trudeau était au pouvoir, l'échec des tentatives des libéraux pour que l'économie canadienne soit dirigée par l'État était devenu manifeste. Les notions de planification, de collectivisme et de progrès par l'étatisation sur le modèle des socialistes se sont effondrées au Canada et dans le monde entier, tout comme le socialisme lui-même.

Tout ce qui restait de l'économie libérale des années Trudeau, c'était une terrible montagne de dettes et un régime d'imposition oppressif. Le gouvernement Chrétien a tenté de se détourner totalement de cet aspect de l'héritage de M. Trudeau.

Honorables sénateurs, le fait est que l'intervention du gouvernement dans l'économie et dans nos vies était à son apogée. Les règlements édictés par le gouvernement et les chinoiseries administratives étaient à l'ordre du jour, et les dépenses gouvernementales atteignaient des niveaux records. Durant les années Trudeau-Chrétien, à cause de ces politiques, le Canada était handicapé par des taux d'intérêt dépassant 22 p. 100. Honorables sénateurs, je me souviens de cela, car j'ai dû payer 19,5 p. 100 d'intérêt pour ma première hypothèque, et je suis certaine que ceux d'entre vous qui ont fait un emprunt hypothécaire pour leur maison ont payé la même chose. Nous avions une inflation à deux chiffres et des politiques débilitantes telles que le PEN et l'AEIE. Le vérificateur général de l'époque signalait avec justesse que le gouvernement du Canada et le Parlement avaient «perdu le contrôle des finances publiques».

Les dépenses pour les programmes avaient augmenté de plus de 14 p. 100 par an pendant 15 ans. Le déficit fédéral était passé de près de zéro à 38 milliards de dollars, et la dette fédérale avait augmenté de plus de 1000 p. 100, certaines des augmentations les plus importantes étant observées à l'époque où Jean Chrétien était ministre des Finances.

(1620)

En 1984, en tant que nouveau gouvernement, nous avons eu la lourde tâche de changer les choses et les attitudes. Nous étions déterminés à nous atteler à la tâche. Nous croyions que nous devions cela aux Canadiens qui nous avaient élus. Comme il est dit dans une étude universitaire:

Les conséquences à long terme [...]

des politiques économiques de Trudeau,

[...] - l'inflation galopante, le dollar en chute libre, des taux d'intérêt records et un chômage en hausse - posaient de sérieux problèmes au premier ministre Mulroney et il a fallu longtemps pour y remédier.

Il ne fait aucun doute qu'il fallait que le Canada renverse la vapeur et procède à des réformes profondes. Quels ont été les résultats?

Du côté financier, le taux moyen de croissance des dépenses au titre des programmes a été réduit de 70 p. 100. Les dépenses gouvernementales au titre des programmes sont passées de $ 1,23 pour chaque dollar de recettes à $ 0,97 en 1993. Un déficit d'exploitation de 16 milliards de dollars par année a été transformé en un excédent de 6,6 milliards de dollars. Si on exclut le service de la dette, il n'y avait plus de déficit gouvernemental en 1990.

Qu'en est-il du déficit dont nous entendons constamment parler à l'autre endroit et dans la population? La vérité, c'est que, comme tout observateur de la scène financière le sait, la seule mesure véritable de l'importance d'un déficit, c'est le pourcentage du PIB qu'il représente. Cela est reconnu même dans le livre rouge de triste mémoire. On y mentionnait la norme que l'Union européenne appliquait à ses membres qui voulaient adhérer au traité de Maastricht, soit un déficit équivalent à 3 p. 100 du PIB.

Quels sont les faits? Exprimé en pourcentage du PIB, le déficit fédéral a été pratiquement réduit de moitié par le gouvernement précédent, passant de 8,7 p. 100 en 1984 à 4,6 p. 100 en 1990-1991. Ensuite, nous avons été frappés par une récession mondiale qui a un peu grugé les gains pour faire remonter le déficit à 5,8 p. 100 du PIB en 1993-1994. En dépit de la récession, le déficit était à la fin de notre mandat de près de trois points de pourcentage inférieur à ce qu'il était lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, même après les ajouts faits par les libéraux au cours des cinq derniers mois de l'année financière. Il est indéniable que nous avons laissé les finances publiques dans un bien meilleur état en 1993 que nous les avions trouvées lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1984.

Comme le signalait un analyste du Conseil privé l'a signalé - et il est intéressant de noter que cet analyste est aujourd'hui au Sénat, chez nos amis d'en face:

[...] tous les déficits et toutes les augmentations de la dette nationale étaient attribuables à l'intérêt sur la dette qui existait avant que...

notre
... gouvernement n'arrive au pouvoir.
Quelles autres mesures prises par le gouvernement ont contribué à l'état actuel de notre économie? L'abolition de l'Agence d'examen de l'investissement étranger. La déréglementation des secteurs clés de l'économie comme l'énergie, les transports et les services financiers. La réforme complète du processus de réglementation. Dans le secteur énergétique, par exemple, le Programme énergétique national, qui a coûté des milliards de dollars à l'économie de l'Alberta et a détruit l'industrie pétrolière, a été aboli, de même que l'impôt sur les revenus pétroliers.

Le gouvernement a privatisé ou dissous 39 sociétés d'État et autres sociétés similaires. Une mesure législative a été adoptée et des mesures administratives ont été prises afin d'éliminer ou de fusionner 41 agences, offices et commissions. Ces mesures, conjuguées à la rationalisation des opérations, ont fait que 90 000 postes ont été supprimés. De Téléglobe à Air Canada, en passant par Canadair et Pétro-Canada, de nouvelles compagnies privées sont nées pour faire la concurrence et s'étendre sur un marché mondial de plus en plus exigeant. Canadair et De Havilland étaient au moment de leur vente à Bombardier des gouffres sans fonds dans lesquels on jetait de l'argent. Aujourd'hui, Canadair est un succès dans l'industrie canadienne, avec les ventes du Challenger, de l'avion de transport régional à réactions et du Global Express. Bombardier est maintenant le troisième constructeur d'avions au monde après les compagnies Airbus et Boeing.

La Loi sur les brevets a été revue pour renforcer l'industrie pharmaceutique, ce qui a attiré des milliards de dollars de nouveaux investissements dans la recherche et le développement, un secteur qui emploie maintenant plusieurs milliers de Canadiens. Nous nous souvenons tous des propos ambigus des libéraux au sujet de cette courageuse mesure.

Le libre-échange avec les États-Unis et l'ALENA ont été et sont au coeur de beaucoup de nos réalisations. L'opposition, surtout celle des libéraux, a été extrêmement virulente. On a diabolisé M. Mulroney et remis en question notre patriotisme. Il est maintenant clair que nous avons choisi la bonne voie pour le Canada. Qui d'autres que les libéraux pouvaient souscrire à ces politiques sans broncher? On semble avoir largement oublié maintenant que les libéraux se sont opposés avec véhémence à l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et à l'ALENA qui englobait le Mexique pour les accepter ensuite sans réserve lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir.

En 1988, la dernière année avant la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, nos exportations de marchandises vers les États-Unis s'élevaient à 101 milliards de dollars. En 1998, dix ans plus tard, le Canada exportait des produits valant 252 milliards de dollars aux États-Unis. Étant donné que l'inflation a été faible et que notre dollar est demeuré pratiquement constant au cours de cette période, en fait, nos exportations vers les États-Unis ont doublé en huit ans.

Honorables sénateurs, il a fallu 120 ans à partir de la Confédération pour que nos exportations vers les États-Unis atteignent 100 milliards de dollars. Il n'a fallu que dix ans dans le cadre du libre-échange pour dépasser les 250 milliards de dollars.

Parmi les calamités qui devaient s'abattre sur nous selon les libéraux à la suite de la conclusion de l'Accord de libre-échange, il y avait la disparition de l'assurance-maladie, du développement régional et de nos institutions culturelles. Les libéraux ont eu l'appui de Bob White et des Travailleurs canadiens de l'automobile qui ont laissé entendre que le secteur automobile abandonnerait le Canada pour aller s'établir aux États-Unis. Eh bien, en réalité, de 1991 à 1998, nos exportations de produits automobiles vers les États-Unis sont passées de 31 milliards de dollars à 75 milliards de dollars, une augmentation bien supérieure à 100 p. 100.

Sans le libre-échange, notre économie aurait pu fort bien stagner au cours des années 90. Cela ne veut pas dire que tout cela n'a pas été réalisé sans sacrifices ni bouleversements. Comme le Conseil canadien des chefs d'entreprises l'a dit:

Nos exportations ont été l'étoile la plus brillante dans la galaxie canadienne.

Il est juste de dire sans équivoque que le libre-échange est un succès remarquable.

Qu'en est-il de la TPS? C'est l'initiative la plus controversée et la plus impopulaire entreprise par l'ancien gouvernement durant nos neuf années au pouvoir. Qui pourrait jamais oublier tout le chahut qu'il y a eu dans cette enceinte? En fait, il serait très difficile de trouver un précédent dans toute notre histoire. Durant les élections de 1993, les libéraux ont promis d'abolir cette taxe et de la remplacer. Les Canadiens ont voté en grand nombre en croyant que ce serait le cas. Six ans plus tard, cette taxe est toujours là. Pourquoi?

La réponse est évidente. On a prouvé qu'il s'agit d'une taxe initiale visible et progressive du point de vue social. Cela s'est également avéré bénéfique pour notre économie, particulièrement au niveau des exportations, et le gouvernement en a tiré des recettes importantes. L'ancienne taxe de 13,5 p. 100 sur les ventes des fabricants que nous avons abolie constituait une taxe cachée nuisible aux exportations. À titre de taxe à la consommation, la TPS de 7 p.100 disparaît à la frontière et c'est l'une des principales raisons, avec le libre-échange, qui explique que le Canada ait pu jouir d'un essor de ses exportations au cours des années 90.

L'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, l'ALENA, la TPS, la privatisation, la déréglementation, l'abolition du Programme énergétique national et le remplacement de l'Agence d'examen de l'investissement étranger par Investissement Canada sont toutes des mesures faisant partie de la restructuration et de la modernisation de l'économie canadienne. D'un point de vue fiscal, la réduction du déficit et la restructuration du gouvernement ont commencé dès 1984, et non en 1994 comme certaines personnes essaient de le faire croire.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur LeBreton, j'ai le regret de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, me donnez-vous la permission de continuer?

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur LeBreton: Toutes ces courageuses politiques ont deux caractéristiques en commun. C'est un gouvernement conservateur qui les a adoptées et les libéraux les ont toutes combattues, votant contre chacune d'elles.

Lorsque le gouvernement Mulroney a quitté le pouvoir en juin 1993, il y avait 1,4 million d'emplois de plus qu'en septembre 1984. Le taux préférentiel était de 6 p.100, le niveau le plus faible en 20 ans. Le taux d'inflation était de 1,5 p. 100 , le taux le plus faible en 30 ans. Les Nations Unies venaient de déclarer que le Canada occupait le premier rang au monde pour ce qui est de la qualité de la vie. C'est là le pays dont les libéraux de M. Chrétien ont hérité il y a six ans.

Mais ce qui importe encore davantage, honorables sénateurs, c'est que les attitudes ont changé. Grâce à nos efforts, les Canadiens ont compris l'importance de la réduction du déficit, ce qu'ils n'étaient pas prêts à faire il y a dix ans.

(1630)

Il y a quelques années, les professeurs Thomas Velk et A.R. Riggs de l'Université McGill, codirecteurs du programme des études nord-américaines à McGill, ont analysé la performance économique du Canada sous tous les premiers ministres depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces spécialistes de l'économie ont comparé les résultats concernant le chômage, l'inflation, la croissance, les taux d'intérêt, la valeur du dollar, la distribution du revenu, le déficit et les taux d'imposition. À quelle conclusion en sont-ils arrivés? Je cite directement leur étude.

Le bilan objectif de Mulroney - quant aux chiffres sur la performance véritable de l'économie canadienne - est le meilleur des 35 dernières années.

Comme je l'ai dit au début, tous ces faits indéniables se sont perdus dans la turbulence de la désinformation et de la falsification de la vérité de la part de la formidable machine de propagande appelée Le Parti libéral du Canada. Les consultants en communications des libéraux et leurs amis lèche-bottes dans les médias disent maintenant au pays à quel point le gouvernement actuel a courageusement éliminé le déficit, redressé l'économie et sauvé le pays. Jean Chrétien et Paul Martin ont déjà commandé leur auréole.

Cette thèse tourne autour de l'allégation selon laquelle le nouveau gouvernement libéral avait hérité en 1993 d'une situation économique et budgétaire extrêmement mauvaise. Lors d'un débat télévisé au cours de la campagne électorale de 1997, M. Chrétien a même parlé de la «situation désastreuse» dont il avait hérité. M. Chrétien tenait peut-être une autre de ses fameuses conversations avec les sans-abri. Il n'avait évidemment hérité de rien de tel. Le travail préparatoire avait été fait pour une solide reprise économique axée sur les exportations. Nos politiques ont provoqué un changement structurel profond au Canada, sur le plan des impôts, de l'inflation et des échanges commerciaux. Elles étaient impopulaires, mais nécessaires.

Honorables sénateurs, les Canadiens devraient avec raison se réjouir de ces résultats, mais reconnaissons-en le mérite, du moins en partie, à qui il revient. Comme l'ancien premier ministre Brian Mulroney l'a dit un jour, «les ministres des Finances Michael Wilson et Don Mazankowski ont ensemencé le jardin et Paul Martin en cueille les fleurs». En tant que Canadienne, je me réjouis de ces résultats et je ne rechigne pas à reconnaître à M. Martin tout le mérite qui lui revient. Nous tous qui siégeons actuellement au Parlement avons en effet la chance de voir des politiques âprement contestées produire finalement des résultats bénéfiques qui renforcent le tissu social de notre pays.

Honorables sénateurs, nous avons dit aux Canadiens la vérité qu'ils devaient connaître au sujet du libre-échange, de l'ALENA, de la TPS, de la réduction du déficit, de la faible inflation, de l'aéroport Pearson, de l'achat des hélicoptères et nous avons même cru dans cette vieille tradition parlementaire qu'est la responsabilité ministérielle. Nos politiques économiques ont été fort contestées dans de nombreux milieux, mais nous avons répété maintes et maintes fois que si elles étaient adoptées et mises en application sur une longue période, le Canada serait une nation transformée. Le déficit serait éliminé, les exportations connaîtraient une croissance phénoménale et le bien-être économique des Canadiens et des membres de leurs familles seraient améliorés dans un climat non inflationniste. Nous n'avons pas promis la perfection; nous avons tout simplement dit qu'il y aurait des progrès importants. Je suis très fière que mes collègues et moi de ce côté-ci de la Chambre ayons contribué et continuions de contribuer largement à ce progrès important.

Des voix: Bravo!

L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si l'honorable sénateur Kroft prend maintenant la parole, son discours aura pour effet de clore le débat sur la motion.

Le sénateur Kroft: Honorables sénateurs, le 13 octobre, j'ai eu le grand privilège de présenter l'Adresse en réponse au discours du Trône. J'ai profité de cette occasion pour parler de choses qui sont importantes et significatives pour moi, pour ma province et ma région et pour le Canada.

Dans son Adresse en réponse au discours du Trône, le sénateur Furey nous a fait profiter de sa propre perspective façonnée par son appartenance à cette région située à l'extrémité orientale de notre pays ainsi que par son expérience personnelle. Depuis, de nombreux sénateurs ont participé au débat et ont fait valoir un vaste éventail d'idées. C'est un débat qui s'est déroulé selon les meilleures traditions de cette enceinte.

Dans mon adresse, j'ai fait les observations suivantes:

Il incombe au gouvernement d'écouter attentivement tout le monde, de mener ses propres études et évaluations et, en bout de piste, de déterminer un plan d'action. C'est sur la foi de ce plan d'action et de son efficacité à le mettre en oeuvre que le gouvernement sera jugé. Plus important encore, c'est de la qualité de ces décisions et des mesures adoptées par le gouvernement que dépendront l'avenir et le bien-être du Canada et des Canadiens.

Honorables sénateurs, le gouvernement a entendu maintenant nos voix et a l'avantage de pouvoir compter sur nos conseils. Cela étant dit, s'il n'y a pas d'autres orateurs, je suis heureux d'inscrire cette motion à mon nom.

(La motion est adoptée avec dissidence et l'Adresse en réponse au discours du Trône est adoptée.)

(Sur la motion de l'honorable sénateur Hays, il est ordonné que l'Adresse soit grossoyée et présentée à Son Excellence la Gouverneure générale par Son Honneur le Président.)

Le discours du trône

L'Adresse en réponse-Motion tendant à la fin du débat le huitième jour de séance-Retrait de l'article

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Mercier:

Que les délibérations à l'ordre du jour pour la reprise du débat sur la motion tendant à l'adoption d'une Adresse en réponse au discours du Trône, prononcé par Son Excellence la Gouverneure générale devant les Chambres du gouvernement, se terminent le huitième jour de séance où l'ordre aura été débattu;

Et sur la motion d'ajournement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable DeWare, que la motion ne soit pas maintenant adoptée mais qu'elle soit modifiée en supprimant le mot «huitième» et en le remplaçant par le mot «quatorzième».

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande que la motion no 2, sous «affaires du gouvernement», soit rayée de l'ordre du jour, puisqu'elle n'est plus pertinente.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous devons d'abord obtenir le consentement de l'auteur de l'amendement, vu que la motion est actuellement à l'étude.

L'auteur de l'amendement souhaite-t-il retirer la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, compte tenu des deux procédures antérieures, l'affaire a été amplement débattue et, par conséquent, non seulement je suis d'accord, mais j'estime que c'est un bon geste.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kinsella demande que son amendement soit retiré. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Hays demande que sa motion soit retirée. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(L'article est retiré.)

La Loi sur la dénonciation dans la fonction publique

Deuxième lecture-ajournement du débat

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-13, Loi visant à favoriser la prévention des conduite répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre pour l'éducation en ce qui a trait aux pratiques conformes à l'éthique en milieu de travail, le traitement des allégations de conduites répréhensibles et la protection des dénonciateurs, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, le projet de loi S-13 porte le titre abrégé de Loi sur la dénonciation dans la fonction publique. J'invite les sénateurs à y consacrer quelques moments de réflexion. Je vais m'employer à en énoncer les principes clés.

Essentiellement, le projet de loi S-13 s'inscrit dans le droit fil des valeurs et de l'éthique de la fonction publique fédérale. Le projet de loi s'adresse à la fonction publique professionnelle et moderne que nous avons la chance d'avoir au Canada. En fait, je suis d'avis que la fonction publique du Canada n'a pas son égale dans le monde.

Un rapport intitulé: «De solides assises» examine les valeurs et l'éthique dans la fonction publique. Il s'agit du rapport d'un groupe de travail mis en place par le greffier du Conseil privé il y a quelques années déjà et présidé par le regretté John Tait, un ancien collègue du sous-ministre de la Justice. Ce rapport avait pour objet d'aider la fonction publique à réfléchir et, dans certains cas, à redécouvrir et comprendre ses valeurs fondamentales, et enfin à renouveler son engagement à leur égard dans tous les aspects de son travail. Je recommande la lecture de cette publication aux honorables sénateurs. Au nombre des questions et des problèmes identifiés comme préoccupations des fonctionnaires canadiens, citons l'évolution des conventions sur la responsabilisation; le conflit entre les valeurs anciennes et les valeurs nouvelles; les défis d'ordre déontologique que créent les nouveaux services et les nouvelles approches en matière de gestion dans la fonction publique; le leadership et la gestion des ressources humaines en cette époque de grands changements.

Le projet de loi S-13 tente d'inscrire la nécessité de fournir un cadre pour protéger les dénonciateurs dans le nouveau contexte de l'éthique et des valeurs comme fondement important de notre fonction publique canadienne. Le cadre destiné à protéger les dénonciateurs prévu dans le projet de loi S-13 est fondé sur le régime déontologique qui, très franchement et heureusement, est de plus en plus fréquent dans notre fonction publique.

(1640)

Comme cela est indiqué à la page 54 du rapport Tait, un régime déontologique:

... est plus qu'une seule initiative. C'est un ensemble d'initiatives, qui s'appuient l'une l'autre et se complètent.»
Plus loin, à la page 55, le rapport Tait fait observer ce qui suit:

L'un des éléments du régime déontologique auquel nous désirons accorder une importance particulière est la mise en place au sein des organismes de la fonction publique de mécanismes de recours appropriés, ainsi que de conseillers, ou de protecteurs des fonctionnaires, lorsque ceux-ci estiment qu'eux-mêmes ou d'autres pourraient se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, qu'ils font face à des difficultés d'ordre déontologique, ont le sentiment qu'on exerce des pressions sur eux, ou qu'on leur demande de prendre des mesures contraires à l'éthique, aux valeurs de la fonction publique ou à l'intérêt public. Les fonctionnaires nous ont dit plusieurs fois qu'il est inutile de leur demander de préserver les valeurs de la fonction publique ou des normes élevées en matière d'éthique, si on ne leur fournit pas les outils pour le faire. L'un de ces outils essentiels est une personne accessible à qui ils puissent s'adresser, en toute confiance, pour obtenir des conseils, exprimer des inquiétudes au sujet d'instructions reçues, ou signaler une grave dérogation au code déontologique de la fonction publique. Une telle personne doit avoir l'ancienneté, l'autonomie et l'autorité nécessaires pour exercer efficacement ses fonctions et protéger l'identité et le poste de ceux qui ont recours à ses services. Il faut mettre en place des mécanismes conformes aux valeurs de la fonction publique et qui permettent aux fonctionnaires d'exprimer leurs préoccupations à l'égard de mesures potentiellement illégales, contraires à l'éthique ou incompatibles avec les valeurs de la fonction publique, et de donner suite à leurs inquiétudes de façon juste et impartiale.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-13 vise à donner suite au désir exprimé par la fonction publique elle-même, à savoir celui d'offrir un service de première qualité. La structure du projet de loi repose sur quatre piliers. Il s'agit, comme premier pilier, d'assurer, au niveau de la sous-section, une gestion des ministères et des organismes qui soit conforme à l'éthique et qui soit fondée sur des valeurs, de telle sorte que les gestionnaires et, au bout du compte, le ministre pertinent lui-même, participent à la résolution des problèmes. Le deuxième pilier concerne la collaboration réciproque et la nécessité de servir l'intérêt public. Le troisième pilier consiste à prévoir un moyen de traiter les allégations de conduites répréhensibles, de façon à respecter l'intérêt public et à décharger les fonctionnaires dénonciateurs de l'obligation stressante de s'occuper des cas de conduites répréhensibles en confiant ceux-ci à l'un des trois commissaires de la Commission de la fonction publique du Canada. Le quatrième pilier du projet de loi réside dans la protection des dénonciateurs. Le projet de loi S-13 comporte donc des dispositions empêchant les mesures de représailles.

Le modèle, honorables sénateurs, premièrement, protège l'intérêt public en général; deuxièmement, enrichit la fonction publique en tant qu'institution de première catégorie; troisièmement, prévoit la reddition de comptes et la recherche de solutions au niveau de la sous-section; et, quatrièmement, protège les fonctionnaires. On a donc prévu, à l'article 2 du projet de loi S-13, ce que j'appellerai les trois «P», dont le premier est pour «promotion». L'alinéa 2a) prévoit qu'on insiste sur l'éducation et qu'on sensibilise les personnes travaillant dans le lieu de travail de la fonction publique à l'éthique et à l'importance des valeurs en milieu de travail.

Le deuxième «P» renvoie au processus. L'alinéa 2b) a pour objet de protéger l'intérêt public en instituant un mécanisme pour permettre aux fonctionnaires de la fonction publique de dénoncer en toute confidentialité des abus ou omissions dans le lieu de travail à un commissaire indépendant, un des trois commissaires de la Commission de la fonction publique. Il reviendra ensuite à ce commissaire, dans l'intérêt public, de mener des enquêtes et d'assurer le suivi nécessaire. La Commission de la fonction publique présente annuellement un rapport de ses activités au Parlement. Le projet de loi prévoit qu'une partie de ce rapport annuel mette l'accent sur le travail accompli en application de ce projet de loi.

Enfin, le troisième «P» renvoie à la protection. L'alinéa 2c) indique que le projet de loi a pour objet de protéger ces fonctionnaires contre des mesures de représailles pour avoir dénoncé à cette commission spéciale, de bonne foi, ou avoir l'intention de le faire, des conduites répréhensibles au sein du lieu de travail.

Les honorables sénateurs constateront que le cadre du projet de loi est clair et simple. La fonction publique elle-même travaille à cette question d'éthique et de valeurs. Son bilan est excellent, compte tenu du niveau élevé de professionnalisme que manifestent nos fonctionnaires, qui ont été au service de plusieurs gouvernements différents au fil des années. Nous devrions être fiers de la fonction publique du Canada.

Cette question de dénonciation est une réalité avec laquelle d'autres sphères de compétence ont tenté de composer. Les gouvernements qui se sont succédé ont manifesté leur intérêt pour tenter de prévoir une mesure législative appropriée sur la dénonciation. Le modèle que nous proposons dans ce projet de loi, sur lequel, espérons-le, le comité sénatorial compétent invitera les intéressés à présenter des instances, vise tout simplement à désigner un des trois commissaires de la Commission de la fonction publique du Canada à titre de commissaire de l'intérêt public auquel un fonctionnaire ayant remarqué une activité illégale ou une conduite répréhensible ferait une dénonciation. La dénonciation serait confiée au commissaire de l'intérêt public afin que le fonctionnaire n'en soit pas le seul responsable, compte tenu de toute l'anxiété et du stress que cela suppose.

L'absence d'activité répréhensible est dans l'intérêt de la population. C'est pourquoi le projet de loi prévoit la tenue d'une enquête par le commissaire de l'intérêt public même. Une dénonciation peut parfois se révéler futile et vexatoire. Elle serait rejetée en première instance, de sorte qu'il n'y aurait aucune perte de temps pour l'individu, le ministère ou l'agence en question.

(1650)

Une dénonciation de bonne foi donnerait lieu à une enquête au cours de laquelle le commissaire se rendrait au ministère. Ce dernier serait invité à gérer de manière à redresser la situation, parce qu'il est de première importance que le fonctionnement et la gestion des ministères et des agences soient conformes aux règles de l'éthique et aux valeurs qui sont le fondement de notre fonction publique.

Il n'est pas question d'une approche descendante. Il s'agit plutôt de maintenir l'obligation de rendre compte et la responsabilité au niveau des opérations. Cependant, si le Commissaire de l'intérêt public chargé d'une dénonciation de conduite répréhensible jugeait qu'il ne reçoit pas une réponse satisfaisante de l'agence ou du ministère en question, il pourrait s'adresser au ministre, qui doit finalement rendre des comptes, et le ministre verrait à rectifier la situation. En cas d'échec, le commissaire ferait rapport au Parlement. Par conséquent, en vertu de notre système hérité de Westminster, le Parlement même obligerait le ministre en question à rendre des comptes.

En élaborant ce mécanisme, nous avons jugé extrêmement important que la fonction de promotion et de sensibilisation continue de revenir à la Commission de la fonction publique.

Enfin, il était nécessaire de prévoir la protection de l'exigence légale de la confidentialité. Elle doit être maintenue dès que le fonctionnaire dépose une plainte auprès du commissaire, grâce à l'interdiction de toute mesure de représailles.

Honorables sénateurs, ce sont les principes qui sous-tendent ce projet de loi. J'ai tracé les grandes lignes du cadre qu'il propose. J'invite mes collègues à participer au débat.

(Sur la motion du sénateur Finestone, le débat est ajourné.)

La Loi sur la sanction royale

Deuxième lecture-Motion d'amendement-Décision du Président

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur Kinsella, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-7, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Sparrow, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais plutôt quand son parrain remplira la condition exigée par la loi du Parlement avant l'adoption par le Parlement d'un projet de loi d'initiative parlementaire modifiant une prérogative royale, cette condition préliminaire étant la signification du consentement royal de Sa Majesté à l'étude par le Parlement de ses intérêts dans le projet de loi S-7, qui propose de limiter et de modifier les formalités d'octroi de la sanction royale par Sa Majesté au Canada, et du même coup de modifier la constitution du Sénat.-(Décision du Président).

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si cela convient au Sénat, je suis prêt à rendre ma décision maintenant.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Le 1er décembre, au cours du débat en deuxième lecture du projet de loi S-7 relativement aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale, le sénateur Cools a proposé un amendement. L'amendement aurait pour effet de reporter la deuxième lecture du projet de loi jusqu'à ce que le parrain du projet de loi, le sénateur Lynch-Staunton, obtienne la signification du consentement royal. Le sénateur Cools a fait valoir que cet amendement s'imposait, étant donné que le projet de loi, à son avis, modifie une prérogative royale.

[Français]

Sur ce, le sénateur Lynch-Staunton a contesté l'amendement en invoquant le Règlement. Selon lui, il n'y a rien dans le projet de loi S-7 qui modifie la prérogative royale. Par conséquent, la motion dépasse la portée du projet de loi et doit être jugée comme irrecevable. Le sénateur Carstairs, puis le sénateur Kinsella, ont déclaré qu'ils étaient d'accord avec la position du sénateur Lynch-Staunton. Le sénateur Carstairs a fait remarquer que le projet de loi ne vise qu'à proposer une méthode différente d'octroyer la sanction royale et non à éliminer cette exigence indispensable à l'entrée en vigueur des projets de loi adoptés par le Parlement. Pour sa part, le sénateur Kinsella estime que l'amendement semble restreindre inutilement la liberté des sénateurs de présenter des mesures législatives.

[Traduction]

Répondant à ces objections, le sénateur Cools a nié que l'amendement proposé cherche à imposer des restrictions à qui que soit. Dans ce cas-ci, toutefois, le sénateur Cools a soutenu qu'étant donné que le projet de loi modifierait une prérogative royale en agissant sur les pouvoirs de la souveraine relativement à la sanction royale, il faudrait donner une indication comme quoi le Gouverneur général ou Sa Majesté la Reine consent à la proposition contenue dans le projet de loi S-7. Le sénateur Cools a donné comme exemple le débat qui a entouré l'étude de la Parliament Act en 1911, loi qui autorise le Parlement à adopter des projets de loi en contournant la Chambre des lords.

[Français]

J'ai, depuis le recours au Règlement, étudié tous les faits et suis maintenant prêt à me prononcer. Tout d'abord, il y a dans mon esprit deux éléments à considérer dans ce recours au Règlement. Le premier, bien sûr, concerne la question des prérogatives royales. Le deuxième porte sur le genre d'amendement qui est autorisé à l'étape de la deuxième lecture. Je traiterai d'abord du deuxième élément.

[Traduction]

À la deuxième lecture, le Sénat est appelé à voter sur le principe du projet de loi, que le Sénat accepte ou non son intention première. Cette primauté du principe du projet de loi a conduit à limiter le type d'amendement qui peut être proposé à cette étape. À part la motion de question préalable, qui est une motion de remplacement, il y a essentiellement deux types d'amendement qui sont permis en deuxième lecture, le renvoi à plusieurs mois et l'amendement motivé.

[Français]

Le renvoi à plusieurs mois vise à reporter l'étude du projet de loi en proposant qu'il soit lu: «une deuxième fois dans six ou trois mois à compter de ce jour». La forme de la motion est bien établie; elle a été créée par le Parlement britannique il y a plus de deux siècles afin de contourner la définition trop étroite du terme «maintenant» dans la motion usuelle portant deuxième lecture: «Que le projet de loi [...] soit maintenant lu une deuxième fois». De nos jours, elle sert habituellement à prolonger le débat, étant donné qu'elle donne aux personnes qui se sont déjà exprimées sur la motion principale la possibilité de prendre à nouveau la parole.

L'amendement motivé, par contre, est un mécanisme pour faire enregistrer une déclaration ou une explication, sous forme de motion, pour préciser pourquoi un projet de loi ne devrait pas être lu une deuxième fois. Dans les faits, comme l'explique l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, au commentaire 670, à la page 207, l'amendement motivé doit répondre à certains critères. L'amendement motivé doit affirmer quelque principe qui aille à l'encontre ou s'écarte des principes, des objectifs ou des dispositions du projet de loi, ou il peut commenter les circonstances relatives à la présentation ou à l'examen du projet de loi, ou en faire valoir d'autres pour s'opposer à son adoption. De plus, le commentaire 671(3), à la page 208, laisse entendre que l'amendement motivé ne doit pas poser de conditions à la deuxième lecture.

[Traduction]

Dans ce cas-ci, la motion d'amendement proposée par le sénateur Cools ne satisfait pas aux critères pour être considérée comme un amendement motivé, car elle établit nettement une condition à remplir avant la deuxième lecture. Voici l'amendement proposé par le sénateur Cools le 1er décembre:

Que le projet de loi S-7 ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais plutôt quand son parrain remplira la condition exigée par la loi du Parlement avant l'adoption par le Parlement d'un projet de loi d'initiative parlementaire modifiant une prérogative royale, cette condition préliminaire étant la signification du consentement royal de Sa Majesté à l'étude par le Parlement de ses intérêts dans le projet de loi S-7, qui propose de limiter et de modifier les formalités d'octroi de la sanction royale par Sa Majesté au Canada, et du même coup de modifier la constitution du Sénat.

(1700)

Par conséquent, la motion d'amendement n'est pas recevable et ne peut être mise aux voix comme amendement à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-7.

Cela toutefois ne règle pas le problème complètement. Comme je l'ai dit précédemment, il y a deux aspects à considérer dans ce recours au Règlement. J'ai parlé de l'amendement motivé et je passerai maintenant à la question plus substantielle de la nécessité de signifier le consentement royal.

[Français]

Comme l'a indiqué le sénateur Cools dans son intervention, le consentement est nécessaire lorsqu'un projet de loi entend toucher les prérogatives, les revenus héréditaires, les biens ou l'intérêt personnels de la Couronne. Dans ce cas-ci, il ne fait aucun doute que le seul sujet du projet de loi S-7 est celui de la prérogative royale. Le projet de loi ne renferme aucune disposition concernant les biens ou l'intérêt personnels de la Reine. La question à laquelle il faut répondre, alors, est de savoir si un projet de loi qui propose des formalités autres que la cérémonie de sanction royale modifie une prérogative de la Couronne.

[Traduction]

En exposant son point de vue, le sénateur Cools s'est reporté à des commentaires faits au Parlement britannique durant le débat entourant la Parliament Act en 1911. J'avoue ne pas trop savoir comment cet exemple peut éclairer les circonstances qui nous concernent. Les observations de lord Lansdowne font ressortir la nécessité d'obtenir le consentement royal lorsqu'un projet de loi modifie une prérogative royale, sans toutefois préciser la nature ni la portée de la prérogative royale, particulièrement en ce qui a trait aux usages constitutionnels du Canada. Cependant, vu l'importance de l'affaire qui nous intéresse, j'ai décidé de l'étudier plus à fond en raison de ses conséquences possibles. D'après Beauchesne, la question du consentement royal peut être éminemment importante pour la décision finale concernant un projet de loi. Au commentaire 726(2), à la page 221, il est dit que «son défaut (le consentement royal) rend nulles et non avenues les délibérations antérieures en vue de l'adoption du projet de loi».

[Français]

Comme de nombreux honorables sénateurs le savent, ce n'est pas la première fois que le Sénat étudie un projet de loi sur la sanction royale. Le chef de l'opposition a parrainé durant la session précédente un projet de loi identique, qui se fondait d'ailleurs sur un autre projet de loi qui avait été présenté au Sénat quelques années auparavant par le leader du gouvernement d'alors, le sénateur Murray. Le projet de loi donnait une forme législative à une proposition faite antérieurement par le sénateur Frith. Celui-ci avait proposé, en 1983, la tenue d'une enquête sur la procédure de la sanction royale, laquelle a été suivie par un examen en comité. En 1985, le comité des privilèges, du Règlement et de la procédure a présenté un rapport sur la sanction royale, qui recommandait notamment la rédaction d'une résolution pour qu'une adresse conjointe soit envoyée au Gouverneur général, demandant qu'il approuve la modification de la cérémonie de sanction royale. Cependant, le rapport n'a jamais été adopté par le Sénat.

[Traduction]

Au cours de mes recherches, j'ai aussi constaté que, lorsque le Parlement britannique avait adopté le Royal Assent Act en 1967, le consentement royal a été signifié tant à la Chambre des lords qu'à la Chambre des communes avant l'adoption du projet de loi. En fait, le consentement royal a été annoncé avant la deuxième lecture, comme le sénateur Cools suggère qu'on fasse avec le projet de loi S-7. Sur cette question, Beauchesne dispose au commentaire 726(2) que «l'usage veut que le consentement royal soit signifié dès le commencement du débat».

Dans le paragraphe suivant, Beauchesne explique au commentaire 727(1) que «bien que le consentement puisse être signifié à n'importe quelle étape des délibérations précédant l'adoption définitive du projet de loi, l'usage de la Chambre (des communes) veut qu'il le soit lors de la présentation de la motion portant deuxième lecture».

De plus, il semble que l'usage de signifier le consentement royal au Canada n'a presque jamais touché le Sénat et la Chambre des communes. Dans les nombreux cas où le consentement royal a été obtenu et signifié, j'ai constaté qu'il est habituellement signifié à la Chambre des communes et rarement au Sénat. En fait, je n'ai trouvé qu'un cas où le consentement royal a été signifié dans notre Chambre. Cela s'est passé en 1951, juste avant la deuxième lecture du projet de loi 192, Loi modifiant la Loi sur les pétitions de droit.

[Français]

L'usage au Canada de donner le consentement royal à la Chambre des communes seulement a été relevé par l'ouvrage de procédure parlementaire Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada de John Bourinot, qui remonte à 1884, dans sa première édition. Un exemple datant de 1886, contenu dans la quatrième édition de 1916, donne un exemple où le consentement royal a été signifié, à la Chambre des communes et non au Sénat, dans le cas d'un amendement par le Sénat à un projet de loi privé des Communes. Cela semble un exemple acceptable d'une dérogation aux usages de Westminster.

[Traduction]

Que faire dans les présentes circonstances? Comme je l'ai déjà expliqué, on ne peut utiliser un amendement motivé comme le sénateur Cools l'a proposé. Il aurait peut-être mieux valu soulever la question sous forme de recours au Règlement au lieu de proposer un amendement à l'étape de la motion de deuxième lecture. Néanmoins, même sous forme de recours au Règlement, je n'ai rien entendu qui m'obligerait, en ma qualité de Président, à reporter le débat sur le projet de loi S-7 à l'étape de la deuxième lecture. Le consentement royal est peut-être nécessaire, mais en fonction des précédents canadiens, il semble que rien n'exige obligatoirement que le consentement royal soit donné en cette enceinte.

En conséquence, je déclare que l'amendement n'est pas recevable et que le débat en deuxième lecture sur le projet de loi S-7 peut se poursuivre. Je propose toutefois que, si ce projet de loi est adopté en deuxième lecture, le comité auquel le projet de loi sera renvoyé étudie aussi la question du consentement royal.

(Sur la motion du sénateur Poulin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement).-(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens pour faire quelques commentaires sur le principe du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement).

D'abord, je tiens à signaler aux honorables sénateurs que j'appuie le principe du projet de loi. Je félicite le sénateur Grafstein d'avoir porté cette question à notre attention. Traditionnellement en Grande-Bretagne, le titre de poète officiel du Parlement est décerné par le monarque à un poète qui a le devoir de rédiger les odes et les vers commémoratifs. C'est un vestige de la coutume médiévale selon laquelle des versificateurs et des ménestrels faisaient partie de la suite royale et aussi de l'époque plus récente où des poètes comme Chaucer et Spencer profitaient du mécénat royal.

Ben Jonson semble avoir été le poète officiel de Charles Ier en 1617, mais le titre actuel, en anglais «laureate», tiré de la coutume grecque et romaine de couronner de laurier, a été attribué pour la première fois à John Dryden en 1670. Petit fait anecdotique en passant, honorables sénateurs; John Dryden fut une fois battu par des opposants politiques parce qu'il avait écrit un pamphlet qu'ils n'avaient pas aimé; l'époque était dangereuse, même pour un poète.

Ces dernières années, les fonctions protocolaires du poste ont été éliminées dans une large mesure. Les successeurs immédiats de Dryden ont été Thomas Shadwell, Nahum Tate, Nicholas Rowe, Laurence Eusden, Colley Cibber, William Whitehead, Thomas Warton, Henry Pye et Robert Southey. La plupart de ces poètes, honorables sénateurs, les successeurs de Jonson et de Dryden, étaient considérés comme des écrivaillons; ils sont désormais tombés dans l'oubli, et personne ne les lit plus. Si nous nous souvenons de Shadwell et de Colley Cibber, c'est simplement parce qu'Alexander Pope en a parlé dans sa grande et majestueuse satire intitulée: La Dunciade. William Wordsworth, de 1843 à 1850, et Alfred, lord Tennyson, de 1850 à 1892, ont été des candidats authentiques et méritoires - même s'ils n'ont rédigé aucune de leurs grandes oeuvres pendant qu'ils assumaient les fonctions de poète officiel. Alfred Austin, de 1892 à 1913, est tombé dans l'oubli, à juste titre de l'avis de certains étudiants en littérature anglaise. On se souvient de Robert Bridges, qui a assumé ces fonctions de 1912 à 1930, uniquement parce qu'il a eu la sagesse de ne pas détruire la poésie de Gerard Manley Hopkins lorsque ce dernier lui a demandé de le faire. Bridges a publié la poésie de Hopkins, et nous lui en sommes encore reconnaissants, mais nous ne lisons pas et nous n'enseignons pas sa poésie. John Masefield, de 1930 à 1967, a été populaire à l'époque, mais il est maintenant tombé dans l'oubli. Cecil Day-Lewis, de 1968 à 1972, a composé de beaux poèmes qui sont encore vivants, mais il est surtout connu de nos jours parce qu'il est le père de l'acteur Daniel Day-Lewis. John Betjeman, qui a occupé ces fonctions de 1972 à 1984 et dont la renommée n'était pas extraordinaire à l'époque, a toutefois été un excellent critique en matière d'architecture.

(1710)

Ted Hughes, qui a assumé ces fonctions de 1984 à 1999, que Dieu ait son âme, a été le meilleur poète officiel depuis Tennyson. Même s'il n'était pas aussi talentueux que le grand poète de l'époque victorienne, il a probablement été un meilleur poète officiel. Hughes est devenu poète officiel seulement après que Philip Larkin, considéré par bon nombre comme le meilleur poète britannique des 50 dernières années, ait refusé ces fonctions. Même s'il était grandement admiré comme poète, la plupart des vers que Hughes a composés pendant qu'il était poète officiel ont été dénigrés au point d'en être ridiculisés. Hughes a assumé le rôle de poète officiel pendant 14 ans, jusqu'à sa mort en octobre 1998. Dans le cas de Hughes, il s'est agi d'une nomination à vie récompensée par une caisse de sherry et 100 livres. J'espère que nous pouvons faire mieux que cela, sénateur Grafstein.

Andrew Motion, le nouveau poète officiel de la Grande-Bretagne a été choisi par le premier ministre Tony Blair. La nomination de M. Motion durera dix ans et elle s'accompagne d'un versement annuel de 5 000 livres, ce qui représente environ 8 100 $ canadiens. M. Motion était perçu comme le plus conventionnel des nombreux candidats suggérés et son choix a mis un terme aux rumeurs alarmantes pour les traditionalistes selon lesquelles Tony Blair, le premier ministre tourné vers la modernité, aurait pu écarter des auteurs connus en faveur d'un «poète du peuple». Sir Paul McCartney, des Beatles, était l'un des noms mentionnés dans ce contexte.

Le poète officiel de la Grande-Bretagne est encore approuvé par la reine, mais choisi à partir d'une courte liste par le premier ministre. Le poète choisi doit écrire des vers sur la famille royale et pour de grandes occasions nationales et de grandes cérémonies. Alors que de nombreux poètes mentionnés comme candidats au poste ont reculé devant cette exigence, Motion avait démontré sa très bonne volonté en écrivant de lui-même un poème sur la mort de la princesse de Galles.

La poète Carol Ann Duffy, de Glasgow, a déclaré que si elle avait été choisie, elle aurait refusé de célébrer en vers des événements royaux comme le mariage du prince Édouard et de Sophie Rhys-Jones. Elle a dit au journal The Guardian:

Aucun poète qui se respecte ne devrait avoir à le faire. Ce poste permet de faire tant d'autres choses intéressantes.

Il faut se demander si cela pourrait être dangereux dans le contexte canadien étant donné la diversité de notre pays. On peut se demander si un poète comme Gaston Miron, par exemple, serait heureux d'écrire un poème pour la famille royale. Nous pourrions peut-être éliminer la nécessité d'écrire des poèmes au sujet de l'État. Je pense que ce serait un pas dans la bonne direction. Le comité pourrait souhaiter examiner cette proposition. C'est la voie que les Américains ont choisie avec succès.

Lorsque le dernier poète officiel est mort en Grande-Bretagne, de nombreux autres poètes ont laissé savoir que le poste ne les intéressait pas. La raison, c'est que la plupart d'entre eux ne voulaient pas occuper ce poste, du fait que la tradition veut que le titulaire écrive des poèmes pour l'État. Le regretté poète irlandais Michael Hartnett a déjà dit que la poésie était un acte de rébellion. Le poète Paul Durcan est devenu un ami très proche de Mary Robinson et il a composé un poème pour son investiture à la présidence de la République d'Irlande, mais Paul est l'exception plutôt que la règle. Seamus Heaney a passé toute sa vie à écrire des poèmes qui ne reconnaissent pas l'État - pour des raisons évidentes bien entendu. Lorsqu'un journaliste du New York Times a appelé Craig Raine, un poète d'Oxford, pour lui demander s'il était intéressé à devenir le prochain poète officiel de la Grande-Bretagne, il s'est exclamé: «Oh mon Dieu, non» et il a raccroché.

Andrew Motion, qui avait crié sur tous les toits qu'il convoitait l'emploi, a dit qu'il considérait ce poste comme «un défi extrêmement complexe et intéressant pour un poète.» Il a dit:

Je pense que je veux mettre en valeur les responsabilités traditionnelles qui consistent à rédiger des poèmes pour des occasions royales, notamment, mais que je tiens aussi beaucoup à diversifier l'emploi ou, du moins, à écrire des poèmes touchant des thèmes nationaux plus larges dont je veux également parler.

Il a dit qu'il voulait en particulier promouvoir la poésie à l'école. Il s'est juré de ne jamais rédiger de poèmes qui soient «simplement flagorneurs et sentimentaux».

Motion vit à Islington, le quartier du nord de Londres où vivait Blair avant d'installer ses pénates au 10, Downing Street. Il a fait ses études à Oxford, et détient la chaire de rédaction créative à l'Université d'East Anglia, à Norwich. Il a publié neuf recueils de vers, rédigé une biographie de Keats saluée par la critique et remporté le prix Whitbread pour sa biographie de Larkin, un poète qui a refusé le poste de poète officiel.

Certes, le poste en tant que tel n'est pas universellement tenu en haute estime, mais la course pour son obtention risque de susciter un grand intérêt. Les paris officiels sont pris par William Hill, la principale agence de paris de la Grande-Bretagne. Outre Mme Duffy, la liste de candidats comprend Seamus Heaney, Derek Walcott, Wendy Cope, Benjamin Zephaniah, James Fenton, Tom Paulin et Geoffrey Hill.

Dans un éditorial saluant le choix de Motion, le Times de Londres a dit de lui qu'il était

... un poète à la compréhension tranquille, d'une tendre humanité et d'une grande force lyrique. Son oeuvre est typiquement britannique, empreinte de la mer et des marais salants, de pertes personnelles et du passé national.
Honorables sénateurs, je suis conscient du temps, mais je voulais quand même souligner que le poste de poète consultant rattaché à la Bibliothèque du Congrès est l'équivalent américain. Le poste a été fondé en 1938 à titre de chaire de poésie, puis, en 1984, il a été changé pour consultant. Parmi les poètes officiels des États-Unis, on compte Robert Penn Warren, Richard Wilbur, Howard Nemerov, Mark Strand, Joseph Brodsky, Mona Van Duyn, Rita Dove, Robert Hass et Robert Pinsky. En 1984, Robert Penn Warren a été nommé premier poète consultant des États-Unis pour une durée d'un an par la Bibliothèque du Congrès. La nomination dure un an, mais elle est renouvelable.

Beaucoup, dit-on, ont tendance à convenir que les Américains ont plus de chances que les Britanniques avec leur poète officiel, principalement parce qu'il joue un rôle beaucoup plus proactif. Il a un rôle important et participe à tous les programmes littéraires et culturels aux États-Unis. Le poète officiel est aussi très en vue du fait des apparitions publiques qu'il fait à la radio et à la télévision, non pas tant pour lire sa propre poésie, mais pour lire les vers de célèbres poètes américains anciens et contemporains. À mon avis, c'est un bien meilleur rôle que celui qui se limite à composer des vers pour les événements officiels.

En conclusion, honorables sénateurs, je répète que, à mon avis, le projet de loi S-5 est une bonne idée qui mérite qu'on l'étudie attentivement. Il serait peut-être bon de se demander si le titre «poète officiel» est le plus approprié. Aux États-Unis, il s'appelle le «Poète conseiller de la bibliothèque du Congrès». Certains poètes canadiens que j'ai consultés pour la préparation de ces notes ont proposé des titres de nature moins coloniale, plus sensibles ou culturellement neutres comme «Poète en résidence à la Bibliothèque du Parlement» ou «Poète parlementaire en résidence à la Bibliothèque nationale».

D'autres trouvent la terminologie utilisée dans le projet de loi S-5 un peu dépassée. C'est un point auquel le comité qui sera chargé d'examiner ce projet de loi voudra peut-être réfléchir. Le comité devrait aussi étudier la nature du comité de sélection proposé. Il serait peut-être bon qu'un poète en fasse partie. Il serait peut-être bon également de faire référence à des associations de poètes comme The League of Canadian Poets, The Writers' Union of Canada, The Canadian Authors Association, The Regional Writers Association et d'autres.

(1720)

Honorables sénateurs, je suis sûr que le projet de loi S-5 est l'occasion d'élaborer un modèle spécifiquement canadien qui pourrait profiter au monde des arts et à tous les Canadiens. Je pense que les milieux littéraires de même que tous les Canadiens appuieront cette initiative, si on leur présente le concept comme ayant été élaboré dans un contexte canadien.

[Français]

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je voudrais informer la Chambre que j'ai l'intention d'offrir ma contribution au débat, mais plus tard. Peut-être le sénateur Hays voudrait-il ajourner le débat?

(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur l'immigration

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Gerry St. Germain propose, au nom du sénateur Ghitter: Que le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l'immigration, soit lu une deuxième fois.-(L'honorable sénateur Ghitter).

- Honorables sénateurs, je voudrais intervenir aujourd'hui dans le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-8, modifiant la Loi sur l'immigration, présenté par mon collègue de l'ouest du Canada, le sénateur Ron Ghitter.

Le système mis en place pour faciliter la présentation et l'examen des projets de loi sénatoriaux est l'un des aspects positifs de notre Règlement. Quand j'exerçais ma charge dans l'autre Chambre, - et je sais que, à toutes fins pratiques, le même règlement s'applique aujourd'hui - pour qu'un projet de loi d'initiative privée puisse être débattu à l'étape de la deuxième lecture, il lui fallait passer au travers d'un certain nombre de filtres. Il ne se produit pratiquement jamais dans l'autre endroit qu'un projet de loi d'initiative privée puisse franchir l'étape de la deuxième lecture et être renvoyé à un comité.

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui a le mérite d'être concis et de lecture aisée. J'invite instamment tous ceux que la question intéresse à s'en procurer un exemplaire. Je suis d'ailleurs persuadé que c'est déjà chose faite. J'espère que, après que nous en aurons quelque peu débattu à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi S-8 sera renvoyé à un comité. Je pense qu'il mérite qu'on y consacre du temps, ne serait-ce que pour dénoncer les difficultés inhérentes à la structure actuelle du système d'immigration et d'accueil des réfugiés au Canada.

Le projet de loi S-8 n'est pas inconnu des honorables sénateurs qui étaient des nôtres à l'automne 1987. Il reprend le texte du projet de loi C-84 que le Parlement avait adopté à l'époque. Le projet de loi C-84 n'est plus en vigueur depuis le 1er juillet 1989.

Le projet de loi S-8 autorise le ministre de l'Immigration à interdire à un bateau d'entrer dans les eaux intérieures ou la mer territoriale du Canada et, si ce bateau est entré dans les eaux intérieures ou la mer territoriale du Canada, il peut ordonner qu'il soit escorté au port de débarquement le plus proche. Il s'agit bien entendu de bateaux qui transportent à leur bord, ou sont soupçonnés de transporter à leur bord, une personne en contravention de la Loi sur l'immigration ou de ses règlements. Plus précisément, le paragraphe 90.1 (1) concerne les bateaux se trouvant dans une zone comprise entre 12 et 3 milles marins de la limite externe des eaux territoriales, et permet au ministre de l'Immigration de leur interdire l'accès aux eaux intérieures ou à la mer territoriale du Canada, selon le cas, s'il est convaincu que, premièrement, le bateau peut retourner à son port d'embarquement sans mettre en danger la vie des passagers et, deuxièmement, tous les passagers qui sont des réfugiés légitimes ne sont plus à bord.

Si le bateau se trouve dans les eaux intérieures du Canada ou dans la limite de trois milles et que, de nouveau, le ministre de l'Immigration a de bonnes raisons de penser que le bateau transporte des personnes qui souhaitent entrer au Canada en violant la Loi sur l'immigration ou son règlement, il peut diriger ce bateau vers le port le plus proche pour débarquer ceux qui sont à bord.

Ce projet de loi a été présenté dans sa forme originale en 1987 à la suite de deux événements. En 1986 et 1987, deux bateaux chargés de clandestins sont arrivés au Canada. Sur le premier se trouvaient des Tamouls; ils ont accosté en Nouvelle-Écosse en 1986. Sur le deuxième se trouvaient des ressortissants des Indes orientales; ils ont accosté à Terre-Neuve en 1987. Nous avons maintenant affaire à des bateaux chargés de clandestins qui viennent de Chine et qui arrivent sur notre côte ouest; ils sont conduits là par des trafiquants ou des passeurs.

Lorsqu'il sera adopté et qu'il entrera en vigueur par un ordre du gouverneur en conseil, ce projet de loi donnera à la ministre de l'Immigration le pouvoir de régler la situation que l'on observe sur les côtes de la Colombie-Britannique. Il enverra également un message clair aux passeurs et aux pays qui ferment les yeux sur ces actes d'immigration clandestine, voire les encouragent, quant au fait que les lois sur l'immigration et sur le statut de réfugié au Canada seront appliquées et que les Canadiens ne toléreront pas ces violations de notre système.

Honorables sénateurs, je me trouvais à l'autre endroit lors de l'adoption du prédécesseur du projet de loi S-8. Je connais les arguments qui ont été invoqués pour s'opposer à son adoption. Ceux qui s'opposaient à l'adoption du projet de loi C-84, à l'époque, affirmaient qu'il était inapplicable. Je dis que nous devons trouver un moyen de faire en sorte qu'il fonctionne. Même s'il faut mener des entrevues sur les navires en mer avant de les détourner ou recourir à d'autres moyens, nous devons trouver un moyen. Je crois que le Canada doit envoyer un message clair afin de décourager ceux qui voudraient tirer des profits du trafic d'immigrants illégaux.

Comme tous les sénateurs s'en souviennent, les événements de l'été dernier au large de la côte de la Colombie-Britannique ont irrité les Canadiens parce que nous avons eu le sentiment qu'on profitait du système d'immigration - et de réfugiés - le plus ouvert au monde. Les Canadiens voulaient que le gouvernement agisse et dise à ces escrocs qui faisaient entrer des clandestins au Canada dans des bateaux délabrés que nous ne tolérerions pas de tels actes de violation de nos lois.

Le gouvernement n'a rien fait. Malheureusement, il n'a pas pris de mesures pour décourager ces agissements.

La ministre de l'Immigration a annoncé, il y a deux semaines, qu'elle présenterait un nouveau projet de loi sur l'immigration à l'autre endroit durant la nouvelle année. L'étude du présent projet de loi en cette enceinte, à l'étape de la deuxième lecture, et en comité, nous aidera à nous préparer en vue de la nouvelle loi sur l'immigration. J'ai hâte de poursuivre le débat sur ce projet de loi et d'écouter, je l'espère, les interventions des sénateurs qui vivent près des côtes canadiennes.

Honorables sénateurs, c'est faire insulte aux personnes qui attendent d'être admises au Canada en tant qu'immigrants légaux. Nous, Canadiens, ne pouvons pas offrir de plus beau cadeau au monde que la citoyenneté canadienne. La souveraineté de notre pays réside, au fond, dans notre capacité de surveiller notre frontière.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je comprends que l'on propose l'ajournement du débat, mais je me demande comment nous en sommes arrivés à tenir ce débat pour commencer. La motion est inscrite au nom du sénateur Ghitter. Nous en sommes au quatorzième jour de débat et un autre sénateur a pris la parole le premier à ce sujet. C'est le privilège absolu du sénateur qui veut présenter une question de cette nature de prendre la parole le premier.

J'ignore si le sénateur St. Germain parlait au nom du sénateur Ghitter. Je suppose qu'ils se sont parlé. Le sénateur St. Germain lisait-il l'allocution du sénateur Ghitter? Est-ce ce qui est arrivé?

(1730)

Le sénateur St. Germain: Pas du tout, honorables sénateurs. Je parlais en mon nom propre. J'ai dit au sénateur Ghitter que j'allais prendre la parole à ce sujet. Il s'en est remis à moi, me permettant d'être le premier à prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture. J'ai saisi cette occasion. Si cela contrevient au Règlement du Sénat, je suis persuadé que, étant maîtres de notre propre assemblée, comme d'autres l'ont déjà dit, nous pourrons corriger la situation.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pour clarifier les choses, je dirai que le sénateur St. Germain a proposé la motion au nom du sénateur Ghitter. L'honorable sénateur St. Germain, appuyé par l'honorable sénateur Cohen, a proposé, au nom du sénateur Ghitter, que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Tous cela est donc conforme au Règlement. Le sénateur St. Germain avait l'autorisation du sénateur Ghitter pour procéder de cette manière.

(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

Air Canada

Le décret déposé conformément à la Loi sur les transports au Canada autorisant des discussions sur une proposition du secteur privé visant l'achat d'une société aérienne-Rapport du comité des transports et des communications-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications (restructuration de l'industrie du transport aérien), présenté au Sénat le 9 décembre 1999.-(L'honorable sénateur Bacon).

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je tiens à remercier le vice-président du comité, le sénateur Forrestall, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé aux travaux de ce comité.

Pendant deux mois, les sénateurs ont écouté attentivement les témoignages de différents groupes qui se sont présentés devant notre comité. Nous les avons interrogés et nous avons discuté avec sérieux de tous les aspects abordés dans le rapport. Je crois que nous pouvons être fiers du travail que nous avons accompli.

Notre rapport est équilibré et reflète les vues des témoins entendus. Les membres du comité peuvent être fiers d'être arrivés, au bout du compte, à parler d'une même voix, ce qui témoigne encore une fois de la qualité des travaux du Sénat.

[Français]

Par ces recommandations, le comité a voulu protéger les intérêts des Canadiens de toutes les régions du pays. Les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications espèrent que ces recommandations assureront aux Canadiens, tant dans un avenir immédiat qu'éloigné, un service aérien efficace, sécuritaire et abordable.

Dans les mois à venir, le ciel canadien sera considérablement modifié et nous espérons que nos recommandations minimiseront l'impact de ces bouleversements sur les services offerts aux Canadiens. Nous proposons, par exemple, des moyens pour éviter que le transporteur dominant, qui émergera de la restructuration en cours, n'augmente le prix des billets de façon déraisonnable. Nous avons également insisté pour que les articles 64 et 65 de la Loi sur les transports au Canada soient renforcés pour garantir que le transporteur dominant assure le service présentement offert aux localités canadiennes.

Notre recommandation au sujet du bilinguisme, à savoir que tous les services offerts au public par le transporteur dominant et ses affiliés soient assujettis à la Loi sur les langues officielles, reflète également notre volonté que soient assurés les services essentiels auxquels les Canadiens ont le droit de s'attendre.

À l'instar du Bureau de la concurrence, les membres du comité ont exprimé leurs inquiétudes devant l'absence possible de concurrence dans l'industrie aérienne au Canada. C'est pourquoi plusieurs de nos recommandations reprennent en partie ou totalement les suggestions faites par le Bureau de la concurrence.

[Traduction]

Le comité recommande que le transporteur dominant s'engage à céder des créneaux suffisants dans des villes clés pour permettre qu'il y ait une concurrence véritable. Le comité recommande aussi à Transports Canada d'élaborer un nouveau cadre réglementaire sur les créneaux pour garantir qu'ils soient cédés s'ils ne sont pas utilisés et qu'un nombre suffisant soient cédés aux nouveaux acteurs sur le marché.

Dans le but d'aider les petits transporteurs à offrir une concurrence suffisante, le comité demande que le gouvernement revoie le système informatisé de réservations afin d'en éliminer les caractéristiques qui désavantagent les petits transporteurs.

On devrait aussi obliger le transporteur dominant à permettre aux nouveaux acteurs sur le marché d'acheter des points de fidélisation des grands voyageurs à un prix raisonnable. Il devrait aussi être tenu de négocier des ententes inter-compagnies et des ententes de partage des codes à des conditions raisonnables avec les nouveaux arrivants sur le marché intérieur qui désirent conclure de telles ententes.

Le comité a discuté en long et en large de la possibilité de permettre la concurrence des sociétés étrangères sur le sol canadien. Il a rejeté la notion de cabotage pur, mais a exprimé un certain intérêt pour les droits de sixième liberté. Il a donc recommandé que le gouvernement négocie avec les États-Unis pour permettre la vente de billets entre deux points au Canada s'il y a escale dans une ville des États-Unis.

[Français]

Le comité espère que l'industrie aérienne canadienne deviendra enfin prospère. C'est pourquoi il s'est partiellement rendu à l'argument de plusieurs, voulant qu'il soit préférable d'augmenter le plafond limitant la participation individuelle en actions votantes au sein d'Air Canada.

Une concentration plus grande des actions aurait, selon certains, l'effet d'augmenter la performance financière de l'entreprise. Le comité souhaite également que l'industrie aérienne reste entre les mains des Canadiens. Les sénateurs, représentant toutes les régions de notre immense pays, évaluent à sa juste valeur l'importance du transport aérien au Canada.

Dans un pays couvrant un si vaste territoire, l'industrie aérienne n'est pas un luxe, mais une nécessité. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons jugé bon de limiter à 20 p. 100 la participation individuelle en actions votantes au sein d'Air Canada. Un plafond de 20 p. 100 permettra aux actionnaires de mieux suivre le rendement de la gestion de l'entreprise, tout en limitant le risque d'une prise de contrôle étrangère.

Nous suggérons également au gouvernement de faire preuve de jugement s'il désire relever, comme il peut actuellement le faire, la participation étrangère dans une compagnie aérienne de 25 p. 100 jusqu'à 49 p. 100. Une telle mesure appliquée aux petits transporteurs permettrait à ces derniers de trouver de nouvelles sources de financement pour accroître les services offerts aux Canadiens.

D'autre part, une augmentation de plus de 25 p. 100 de la participation étrangère d'Air Canada pourrait mettre en péril le contrôle canadien de notre plus important transporteur national. Par ailleurs, le comité s'inquiète du sort réservé aux employés affectés par la restructuration en cours.

Nous demandons au gouvernement d'insister auprès du transporteur dominant pour que les employés aient droit à un traitement juste en ce qui a trait à la continuité du service et aux conditions de départ si une telle chose s'avérait nécessaire. Une attention particulière devrait être accordée aux listes d'ancienneté.

Finalement, le comité est d'avis que si le gouvernement veut assurer un suivi efficace des engagements qu'il exigera du transporteur dominant, il devra demander que la reddition des comptes se déroule dans le cadre d'un forum public, comme, par exemple, des audiences tenues une fois par année par l'Office des transports du Canada, en collaboration avec le Bureau de la concurrence, et que le résultat de ces audiences soit renvoyé au comité des transports de la Chambre des communes et au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je crois que c'est un bon rapport. Nous ne cherchions pas à protéger les intérêts des actionnaires, mais plutôt ceux de tous les consommateurs partout au Canada.

Les membres du comité ont débattu énergiquement plusieurs questions. Au bout du compte, nous avons réussi à présenter un rapport équilibré qui témoigne de la qualité des travaux du Sénat. Encore une fois, ce rapport montre comment le Sénat peut jouer son rôle d'institution parlementaire indépendante. Je rends hommage à tous les sénateurs qui ont assisté à nos réunions et participé à nos travaux. Ce sont eux qui ont rendu ce rapport possible.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur le rapport du comité permanent «Restructuration de l'industrie du transport aérien au Canada». On peut difficilement qualifier ce titre d'exact. Il évoque toutefois le titre d'un document que doit rédiger le Sénat ou l'autre endroit d'ici peu.

(1740)

Honorables sénateurs, je tiens à féliciter la présidente du comité, le sénateur Bacon, pour la façon dont elle a dirigé les audiences publiques et les séances qu'a nécessitées la rédaction du rapport. Il est difficile de tenir des audiences et de rédiger un rapport quand la situation qu'on étudie évolue constamment. C'est précisément ce qui s'est produit pendant que le comité faisait ses travaux. Le sénateur Bacon a fait un excellent travail et mérite toutes mes félicitations.

On a souvent accusé le gouvernement de ne pas agir, de laisser tomber, de manquer d'idées nouvelles, de profiter des réalisations des gouvernements antérieurs et, depuis le dépôt de son récent projet de loi sur les référendums, de créer des crises là où il n'y en avait pas. Sérieusement toutefois, cette inaction et cette incapacité de prévoir les problèmes n'ont jamais été aussi apparentes que dans le dossier du transport aérien au Canada. La possibilité d'un seul transporteur dominant ou d'un monopole nous menaçait depuis un bon bout de temps. Ce n'est que lorsque la soi-disant «crise» est devenue imminente que le gouvernement a essayé d'agir. Vous me demanderez ce qu'il a fait. Il a rayé du dossier un des organismes au Canada qui comprend vraiment bien les questions touchant la concurrence. Je parle ici, bien entendu, du Bureau de la concurrence du Canada. Le gouvernement a suspendu sa participation à la fusion et, par la suite, à l'offre publique d'achat dirigée par Onex, qui ne s'est pas réalisée.

Nous devons nous demander pourquoi le gouvernement a agi ainsi. La réponse est simple: Nous ne le savons pas. Quel dérangement extraordinaire s'annonçait pour le système de transport national? De quels éléments probants disposait le ministre? Nous ne le savons pas. Surtout, ce qui importe bien davantage, c'est que pas un seul des témoins, auxquels nous avons pourtant posé la question, n'a pu répondre à une de ces questions. Voilà peut-être pourquoi le comité a conclu qu'il n'était pas entièrement convaincu que le recours à l'article 47 de la Loi sur les transports nationaux était indiqué dans cette situation.

Honorables sénateurs, nous aurions pu nous arrêter là. Il est intéressant de faire remarquer que certains ont fait valoir que nous aurions peut-être dû le faire. Cependant, j'estime, à l'instar de nombre de mes collègues au sein du comité, que nous aurions rendu un mauvais service aux Canadiens et au Sénat si nous avions mis fin à nos audiences même si nous avions décidé que le recours à l'article 47 ne convenait pas. Nous aurions fait fi de la réalité des transformations qui s'opéraient et qui s'opèrent toujours dans le secteur en ce moment même. Le ministre a posé aux intéressés des questions sur les orientations et, dans le cadre de notre recherche d'une solution à la question relative à l'article 47, nous avons également entendu des témoignages sur toutes ces orientations.

Un des objectifs personnels que je poursuivais consistait à rappeler aux membres du comité que l'engagement du gouvernement précédent, tout comme celui du gouvernement actuel, était la déréglementation et non l'inverse. L'intérêt public doit être protégé, mais non au moyen d'un cadre réglementaire. Notre rapport reflète la conclusion selon laquelle, de façon générale, le Bureau de la concurrence devrait être l'organisme chargé de protéger l'intérêt public dans les transports aériens au Canada. Confions à l'Agence des transports du Canada la tâche de veiller à la sécurité des nouvelles entreprises et des nouvelles lignes aériennes, mais laissons au Bureau de la concurrence les questions liées aux monopoles nécessitant la protection du public. Cela entraînera le transfert d'une section de l'agence possédant l'expertise dans ce domaine de l'agence nationale des transports au Bureau de la concurrence, mais la préoccupation première devrait être la concurrence.

Honorables sénateurs, mes collègues et moi avons été impressionnés par le travail effectué en peu de temps par le Bureau de la concurrence à cet égard. En fait, notre rapport sur l'industrie du transport aérien, actuellement à l'étude, s'inspire en grande partie du rapport du bureau. La suggestion que le bureau a faite pour assurer la concurrence est pleine d'imagination, ce qui montre qu'il peut réagir rapidement. La rapidité de réaction est d'une importance cruciale pour une industrie qui exige l'investissement de milliards de dollars en immobilisations et la détermination immédiate du moment où les ressources financières devraient être investies et de quelle façon.

Compte tenu du temps dont il disposait, le comité a effectué un travail crédible. Je n'entrerai pas dans le détail des recommandations, car je ne ferais que répéter dans bien des cas ce que nous venons d'entendre de la bouche de la présidente. Je me contenterai de dire que nous aurions pu aborder plus en détail la question de la cession des sociétés aériennes régionales par le transporteur jouissant d'un monopole. C'est une question sur laquelle le Bureau de la concurrence devrait réfléchir plus profondément, car il conviendrait d'exiger la cession des sociétés aériennes régionales. Je parle en l'occurrence de concurrence.

Le Canada est un vaste pays. Certaines régions ne sont accessibles par air qu'à certains moments de l'année. Nous devons assurer l'accès aérien aux régions isolées de notre pays, peu importe l'issue des discussions actuelles sur l'acquisition de sociétés aériennes. Bien sûr, j'inclus dans la définition de «isolées» ces régions du Canada faiblement peuplées comme l'intérieur de la Colombie-Britannique, les provinces de l'Atlantique et d'autres encore.

En outre, le comité n'a pas exprimé aussi vivement que je l'aurais voulu, ou que le sénateur Roberge l'aurait voulu, son opposition à la proposition Air Canada-Hamilton. Un transporteur monopolistique exploitant une compagnie aérienne peu coûteuse, offrant un service de base dans une grande ville du centre du Canada, ferait sûrement disparaître toute concurrence de la part d'autres compagnies aériennes qui peuvent projeter ou avaient pu projeter d'établir un service analogue dans cette région ou toute autre région du Canada.

Honorables sénateurs, il est inutile, en ce moment, de faire des conjectures sur le rôle curieux qu'a joué dans tout cela le ministre des Transports. Il suffit de dire qu'il n'existait aucune politique. Nous laissons à l'histoire le soin d'examiner le rôle et le manque de leadership du ministre, qui a invoqué l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada, alors qu'il n'existait aucune preuve que nous ayons pu recueillir justifiant sa décision. Ce qui importe désormais, honorables sénateurs, c'est que le ministre des Transports agisse pour protéger les intérêts des voyageurs du Canada contre des prix exorbitants, le retrait de services et, surtout, une baisse des normes de sécurité. Il aurait avantage à examiner attentivement et à mettre en oeuvre les recommandations du comité sénatorial permanent des transports et des communications qui figurent dans son rapport sur la restructuration de l'industrie du transport aérien.

Je vous remercie de votre attention. Je voudrais ajourner le débat au nom du sénateur Johnson, si cela est acceptable.

(Sur la motion du sénateur Forrestall, au nom du sénateur Johnson, le débat est ajourné.)

[Français]

Régie interne, budgets et administration

Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (situation budgétaire des comités), présenté au Sénat le 9 décembre 1999.-(L'honorable sénateur Rompkey, c.p.).

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

(1750)

Le Budget des dépenses de 1999-2000

Autorisation au comité des finances nationales d'étudier le Budget des dépenses

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000; et

Que le Comité présente son rapport au plus tard le 31 mars 2000,

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Robichaud, c.p. (Saint-Louis-de-Kent), appuyée par l'honorable sénateur Hervieux-Payette, c.p., que la motion soit modifiée par adjonction, après les mots «le Budget des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000», de ce qui suit:

«à l'exception des crédits 1, 5 et 10 des Pêches et Océans;

Que le Comité sénatorial permanent des pêches soit autorisé à étudier les dépenses projetées des Pêches et Océans contenues dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000; et

Que le Comité présente son rapport au plus tard le 31 mars 2000.»-(L'honorable sénateur Stollery).

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Murray n'est pas à la Chambre. L'ordre a trait à sa motion et aux amendements présentés par le sénateur Robichaud. Nous pourrions tout de même traiter de cette question dès maintenant. Je voulais demander l'avis de mon homologue, à savoir si nous devrions l'aborder en l'absence du sénateur Murray.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois que nous devrions attendre le sénateur Murray parce qu'il a quelques réserves à l'égard de l'amendement du sénateur Robichaud, notamment en ce qui concerne l'idée de mettre le budget des dépenses du ministère des Pêches à part. Nous préférerions qu'on s'entende au préalable.

L'honorable Fernand Robichaud: Nous pourrons y voir tout de suite, honorables sénateurs.

Le sénateur Hays: Si j'ai bien compris l'arrangement, le sénateur Robichaud devait retirer son amendement avec la permission du Sénat de façon à ce que l'on puisse examiner la motion du sénateur Murray. Le sénateur Robichaud proposera à la première occasion, probablement demain, une motion demandant le renvoi de cet élément du Budget principal des dépenses au comité des pêches, puisqu'il relève du ministère des Pêches.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, si nous procédons étape par étape, nous atteindrons notre but.

Son Honneur le Président: Je ne sais pas très bien ce que tout cela veut dire. Y a-t-il une demande de retrait de la motion d'amendement?

[Français]

retrait de la motion d'amendement

L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, j'aimerais retirer ma motion d'amendement à la motion de l'honorable sénateur Murray. Par contre, je donne avis que lorsqu'il sera question d'étudier les dépenses projetées dans le Budget des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2001, nous trouverons certainement une formule pour faire l'étude de ces estimés au comité des pêches, une formule qui, j'en suis certain, ne saura déplaire au comité des finances nationales.

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'aimerais exprimer le point de vue du comité des finances nationales à ce sujet. Je suis au courant de la question.

Son Honneur le Président: Un instant.

Le sénateur Bolduc: Le sénateur Murray n'est pas présent.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Robichaud, c.p., Saint-Louis-de-Kent, demande au Sénat la permission de retirer sa motion d'amendement. La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion d'amendement est retirée.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous sommes de retour à la motion de l'honorable sénateur Murray. Je suis prêt à vous écouter, honorable sénateur Bolduc.

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, je ne veux pas prendre la parole au nom du sénateur Murray, mais j'aimerais souligner que le mandat général du Comité sénatorial permanent des finances nationales a toujours été, sauf quelques exceptions ces dernières années, d'étudier l'ensemble des prévisions budgétaires. Il est normal que nous le faisions.

Toutefois, si un comité particulier, par exemple le Comité sénatorial permanent de l'agriculture ou un autre veut regarder les programmes de dépenses du ministère de l'Agriculture, il n'y a pas de problème. Par contre, le mandat ne devrait pas indiquer les mots «à l'exception de». Le mandat du comité des finances nationales doit être un mandat général. Nous ne devons pas changer ce mandat. Le comité des finances nationales ne regarde pas nécessairement tous les programmes. Il tente d'étudier les dépenses de l'administration publique fédérale dans une perspective de politique administrative surtout, de sorte que le mandat ne peut pas être restreint. Le mandat doit être général pour l'étude des crédits et des prévisions. Cela n'empêche pas un comité sénatorial d'étudier les estimés de certains programmes dans le domaine de la santé, des pêches, et cetera. C'est dans ce sens que le sénateur Murray voudrait argumenter. Il y a une tradition qui s'explique depuis longtemps. À mes débuts au Sénat, le sénateur Everett était président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, et il l'a été pendant des années, et c'est en ce sens que nous l'entendions. Il y a beaucoup de sagesse dans cela.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il un désir d'ajourner la motion principale à la prochaine séance?

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, je demande l'ajournement du débat.

[Traduction]

L'honorable sénateur Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je pense qu'il convient de mettre la motion aux voix. J'ai écouté en cela le sénateur Bolduc. Quand ce point de l'ordre du jour a été appelé, j'ai dit que, à mon avis, cette question pouvait être réglée assez facilement en procédant comme nous l'avons fait. À l'avenir, il se peut toutefois que ce soit un peu plus difficile.

Je pense que nous devons nous montrer accommodants avec le ministère des Finances nationales et c'est une façon de le faire. Si le comité des pêches examine les dépenses liées au ministère des Pêches et des Océans, cela répondrait aussi à la demande du sénateur Robichaud sans que cela crée d'interférence avec ce que demande le sénateur Murray.

Cela ne veut pas dire qu'on va toujours procéder ainsi, mais pour l'instant, c'est une bonne solution, dans les circonstances. Nous devrions mettre la motion aux voix.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'Association parlementaire Canada-Europe

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe-La huitième session annuelle de l'Assemblée parlementaire tenue à Saint-Petersbourg, en Russie-Interpellation

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, ayant donné avis le 30 novembre 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe à la huitième session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE PA), tenue à Saint-Petersbourg (Russie) du 6 au 10 juillet 1999.

- Honorables sénateurs, alors que je siégeais dans le palais de Saint-Petersbourg en mai dernier, à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, j'ai réfléchi au sort des affaires étrangères au cours de ce siècle. Alors que nous approchons du nouveau millénaire, peut-on mesurer de façon équitable brièvement et de façon concise la politique étrangère au cours du dernier siècle? Quel est l'objectif de la politique étrangère? Il s'agit de faire du monde un endroit plus sûr et plus pacifique où vivre. Pourtant, la guerre a dominé la politique étrangère.

Notre siècle a commencé sur une telle note d'espoir. Il y a 100 ans, en 1899, le tsar Nicholas II de Russie a, à partir de Saint-Petersbourg, lancé un appel à la communauté internationale pour l'établissement d'une convention tendant à limiter les armes au niveau international et à créer un nouveau tribunal international chargé de régler les différends entre les États par arbitrage consensuel. Il espérait que cela apporterait la paix au cours de ce nouveau siècle, après le XIXe siècle qui avait été marqué par la guerre et qui avait entraîné la mort de 16 millions de personnes.

Plus tard cette année-là, en 1899, sur les instances du tsar, une conférence internationale a été convoquée à La Haye. En fait, cette conférence historique a permis d'établir des limites internationales sur les armes et de bannir plus particulièrement les bombes aériennes, ainsi que d'établir un tribunal international pour arbitrer les différends entre les États de façon consensuelle.

Malheureusement, moins d'une année plus tard, en 1900, ce message d'espoir a été ignoré. La course à la suprématie militaire a débuté. La construction de cuirassés, d'abord par l'Allemagne et ensuite par l'Angleterre, a accéléré la course aux armements navals. Cette technologie incroyable - le cuirassé - est devenue l'une des principales causes de la Première Guerre mondiale. La première décennie a été témoin de la guerre entre la Russie et le Japon et de la guerre des Boers. Le déclenchement de troubles dans les Balkans a conduit aux guerres des Balkans en 1912 et 1914 et a conduit ensuite au célèbre massacre des Arméniens. Il y a aussi eu ensuite la Première Guerre mondiale et une nouvelle expression dans le lexique de la mort: guerre mondiale.

En 1917, la Révolution russe a éclaté. Alors que 1918 marquait la fin de la Première Guerre mondiale, la guerre entre la Russie et la Pologne a éclaté et les troubles en Irlande se sont aggravés. Un nouveau mot d'espoir a été ajouté au lexique de la mort après la Première Guerre mondiale par le président Woodrow Wilson: l'autodétermination.

Pendant ce temps, l'agitation en Chine s'aggravait, conduisant à la guerre civile durant les années 30 et 40. En URSS, dans les années 30, tandis que les camarades communistes et d'autres dans le monde regardaient, les épurations massives de millions de personnes se déroulaient afin de maintenir le monopole du pouvoir du parti bolchevique. Imitant le communisme, les bannières sanglantes du nazisme et du fascisme flottaient sur l'Éthiopie occupée, en Afrique. La Société des Nations, soutenue par le Canada, piétinait et s'enlisait. Puis il y eut la guerre d'Espagne et le conflit entre le communisme et le fascisme, conduisant à la Deuxième Guerre mondiale, d'abord en Europe, puis en Asie. Nous nous souvenons de l'holocauste. Il demeure une chose inimaginable. Nous nous souvenons de l'horreur d'Hiroshima et de Nagasaki.

(1800)

En 1945, la planète semblait épuisée par l'horreur de la guerre, mais il n'y a pas eu de pause dans les massacres. Dans les années 40, des révolutions ont été déclenchées en Asie de l'Est, en Afrique et en Amérique du Sud. Ces années ont vu naître des guerres sans fin au Moyen-Orient. Les années 50 nous ont apporté la guerre de Corée et l'accélération de la guerre d'Indochine.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Grafstein, je suis désolé de vous interrompre, mais il est 18 heures. Que souhaitent les honorables sénateurs?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Je propose que Son Honneur ne regarde pas l'heure.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, à la fin des années 50, nous avons été témoins de la révolution cubaine, rapidement suivie par la révolution culturelle chinoise, la guerre du Viêtnam, les massacres au Cambodge et les guerres en Angola. Au cours des années 60, l'Irlande s'est de nouveau enflammée, après 8 décennies de guerre. Les années 70 ont vu surgir au moins 37 conflits importants un peu partout au monde.

Puis sont arrivées les années 80 avec la guerre entre l'Iran et l'Irak au cours de laquelle, en passant, plus d'un million de gens ont été tués, y compris des enfants soldats. Plus de gens ont été tués au cours de cette guerre que dans toutes les guerres qui ont eu lieu au Moyen-Orient depuis le début du siècle, et tout cela pour quelques kilomètres de sable.

Les années 80 ont été celles de la guerre en Afghanistan, des guerres tribales en Somalie, de l'invasion du Koweït par l'Irak qui a mené à la guerre du Koweït, des guerres tribales au Rwanda, au Nigeria, le long du Congo et au Soudan et du début de la guerre civile en Indonésie, au Timor oriental ainsi qu'en Amérique du Sud et en Amérique centrale.

Honorables sénateurs, cette interminable liste de guerres est loin d'être exhaustive. Toutefois, il y a de l'espoir: l'empire soviétique s'est désintégré.

Puis les magnifiques années 90, la dernière décennie est arrivée, à la suite de la chute du «mur». La désintégration de la Yougoslavie, entraînée par la séparation de la Croatie avec les encouragements de l'Ouest, a mené aux guerres dont nous avons été témoins en Serbie, en Bosnie et enfin au Kosovo, et avec tout cela à l'impuissance des Nations Unies.

À la veille du nouveau millénaire, on estime qu'il y a encore plus de 24 guerres qui font rage dans le monde, surtout en Afrique, mais également en Eurasie. Quand nous nous penchons sur notre passé, ne semble-t-il pas qu'une bonne partie de notre vie au cours du siècle qui s'achève a été ponctuée de brefs intermèdes entre les guerres? Où étions-nous avant la guerre? Que faisions-nous entre les guerres? Que faisions-nous peandant la guerre du Viêtnam et ainsi de suite?

Nos ouvrages littéraires sont remplis d'actions et de réactions aux diverses guerres. Pourquoi alors devrions-nous souligner le travail de l'OSCE et d'autres organismes dévoués à la promotion de la démocratie par des moyens pacifiques, lorsque nous ne pouvons nous empêcher de regarder en arrière sur ce siècle marqué par la mort, tout cela au nom de l'État ou de la foi?

En 1994, Zbigniew Brezinski, ex-conseiller du Président Carter en matière de démocratie, a calculé qu'il y avait eu 164 millions d'innocentes victimes et de soldats morts au cours de ce siècle. J'ai moi-même évalué que ces violents affronts pourraient avoir causé près de 200 millions de morts au cours du présent siècle seulement. Chaque décennie a été témoin d'un accroissement au chapitre de la violence technologique, des tueries insensées, des mutilations et des destructions gratuites.

Dans ce cas, honorables sénateurs, que devons-nous faire? Que pouvons-nous faire? La condition humaine a-t-elle progressé au cours de ce siècle? Tolstoï nous avait pourtant mis en garde. Il a écrit que nous pouvons simplement espérer aménager de petites clairières dans une dense forêt. C'est ce que nous avons tenté à l'OSCE depuis l'accord d'Helsinki il y a une trentaine d'années. Cet accord a remplacé le caractère sacré de la souveraineté de l'État par le caractère sacré de l'individu.

L'accord d'Helsinki a été signé par 55 pays, dont le Canada et les États-Unis. En vertu de cet accord, l'État, selon le droit international, a perdu son monopole sur la violence et pourtant un résidu de la souveraineté de l'État persiste dans l'esprit tordu des certaines élites politiques de l'ex-Yougoslavie, du Caucase, de l'ex-URSS, du sous-continent indien, de la Tchétchénie et d'une grande partie de l'Afrique.

Dans un discours simplement remarquable qu'il a livré récemment, le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a reconnu la culpabilité de l'ONU et de ses États membres qui ont adopté des résolutions visant à préserver des zones sûres, comme l'ONU l'avait fait en 1995 à Srebrenica, de sorte que par la suite la communauté internationale avait passivement été témoin du massacre serbe de plus de 7 000 victimes innocentes qui, croyant les paroles de la communauté internationale, s'étaient avancées sous le drapeau bleu et blanc des Nations Unies seulement pour être massacrées sous l'oeil des caméras de télévision.

Récemment, nous avons examiné les résolutions de l'ONU concernant le Timor oriental et préconisant fortement l'indépendance, puis nous avons vu l'ONU regarder immobile le massacre du tiers de la population qui croyait que l'ONU allait exiger le respect de ses résolutions. Les résolutions des Nations Unies ont-elles précipité le carnage au du Timor oriental où plus de 200 000 habitants de ce territoire appauvri ont été tués par le puissant État indonésien?

L'imitation est le plus beau compliment. L'action de l'OTAN au Kosovo a invité la Russie à l'imiter en Tchétchénie.

L'histoire fait honte. Le nombre des morts est passé de cinq millions au XVIIIe siècle à 16 millions au XIXe siècle, puis à au moins 200 millions au XXe siècle.

Le regretté Cecil Augustus Wright, doyen de la faculté de droit que j'ai fréquentée, a cité M. le juge Felix Frankfurter à l'ouverture de la faculté de droit de l'Université de Toronto en 1967. Voici ce qu'il a dit:

Aussi fragile que soit la raison et aussi limité que puisse être le droit en tant qu'expression du médium institutionnalisé de la raison, c'est tout ce qui nous sépare de la tyrannie de la simple volonté et de la cruauté d'un esprit débridé et indiscipliné.

Pourtant, nous avons appris que le principe de la suprématie du droit ne vaut rien s'il n'est pas étayé par le pouvoir. C'est là le malheureux paradoxe du XXe siècle.

Honorables sénateurs, ne devrions-nous pas souhaiter pour le prochain millénaire que la suprématie du droit respectant le caractère sacré de la vie devienne la norme plutôt que l'exception, et qu'elle soit étayée par la volonté et le pouvoir des politiques? Pourtant l'optimisme ne rime à rien quand les États-Unis, première super-puissance et leader mondial de la démocratie, refusent de signer un accord international permettant à un tribunal international de poursuivre des criminels de guerre, ou un accord de limitation des armements conventionnels portant sur les mines, ou même de ratifier un traité limitant l'armement nucléaire. C'était de mauvais augure pour la paix mondiale dans les années 90. Nous devons nous ressaisir et espérer que, pour le prochain millénaire, nous serons en mesure de nous inventer un siècle meilleur que celui dont nous avons hérité et que nous avons gaspillé.

Honorables sénateurs, Elie Wiesel qui, avant que cela ne gagne la faveur populaire, a brandi la flamme du souvenir dans ce siècle barbare, a récemment publié And the Sea is Never Full, le second volume de ses mémoires. Il nous rappelle que, dans la Genèse, quand Adam a fui le paradis après avoir mordu dans le fruit défendu, la voix de Dieu se fit entendre: «Adam, où es-tu?» Si effectivement Dieu est partout et qu'il est omniscient, pourquoi aurait-il cherché à savoir où se trouvait Adam? On nous assure que Dieu savait où se trouvait Adam. Dieu voulait qu'Adam lui dise lui-même où il se trouvait et ce qu'il avait fait. Où nous situons-nous nous-mêmes dans l'histoire? Qu'avons-nous fait de notre vie? Chacun de nous peut y répondre à sa manière.

Nous devons remettre en question le travail accompli par chacune des organisations oeuvrant pour le règlement pacifique des différends. Nous devons systématiquement nous poser la question suivante: quelle est ma position, quelle est notre position? J'ose espérer que la réponse qui nous sera donnée au siècle prochain sera plus intéressante que celle du présent siècle. Puisse la prochaine génération nous surpasser. La barre fixée pour ce siècle-ci n'est assurément pas très haute.

Y a-t-il une vérité plus profonde dont nous ne tenons pas compte en matière de politique étrangère? En 1979, Elaine Pagels, un éminent professeur de religion à l'université Princeton, a publié une élégante exégèse fondée sur d'anciens manuscrits écrits il y a plus de deux millénaires et découverts dans le désert d'Égypte, intitulée: The Gnostic Gospels. Puis, en 1995, le professeur Pagels a publié une autre étude intitulée: The Origin of Satan. Dans ces deux textes réside peut-être une solution à l'énigme de la barbarie enfouie au coeur de la condition humaine. Le professeur Pagels fait la lumière sur les origines de la démonisation des «autres» d'abord exercée par une foi, imitée ensuite par l'État séculier. Nous ne faisons que commencer à sonder les causes du mal qui habite dans le coeur des hommes et des femmes. Le mal est-il gravé plus profondément et de manière indélébile dans l'esprit de ceux qui détiennent le pouvoir et qui demeurent pourtant silencieux, inertes ou, pire, indifférents aux actes de barbarie commis contre d'autres sous leurs propres yeux? Est-ce là l'étrange morale du dernier millénaire - voir sans agir - et l'espoir pour le prochain millénaire - des paroles assorties aux actes?

(1810)

N'y a-t-il pas un paradoxe surréaliste dans ce que je préconise? Je soutiens que la guerre sème la mort et pourtant, je préconise que l'on fasse encore la guerre pour maintenir la paix, ce qui m'amène à l'aspect énigmatique de mes propres conclusions pour le XXe siècle.

Dimanche dernier, l'écrivain américain Joseph Heller, auteur de Catch 22, est décédé. D'après un critique:

Catch 22 est un roman sur l'absurdité de la guerre, une satire des milieux militaires et l'apologie d'un homme, Yossarian, qui voit dans le système ce qui est sain et ce qui ne l'est pas.

Honorables sénateurs, je me permets de citer ici un court passage du roman Catch 22:

«Tu veux dire qu'il y a une attrape?»

«Bien sûr qu'il y a une attrape», répondit Doc. «On n'en sort pas. Tous ceux qui veulent éviter le service commandé ne sont pas vraiment fous.»

Il n'y avait qu'une attrape et c'était qu'on perdait de toute façon, à partir du moment où se préoccuper de sa sécurité en face de dangers réels et immédiats est le fait d'un esprit rationnel.

Orr pouvait rester à terre parce qu'il était fou. Il lui suffisait de le demander; mais, dès qu'il le demandait, il cessait d'être fou et devait accomplir d'autres missions. Orr aurait été fou d'accomplir d'autres missions et sensé de ne pas le faire, mais s'il était sain d'esprit, il devait le faire. S'il le faisait, il était fou et n'avait pas à le faire; mais s'il ne voulait pas le faire, il était sain d'esprit et il devait le faire. Yossarian fut complètement bouleversé par l'extrême simplicité de cette impasse et émis un sifflement admiratif.

«C'est toute une impasse», observa-t-il. «La plus belle», acquiesça Doc.

Honorables sénateurs, c'est ce que je puis dire de mieux en cette fin de siècle et de millénaire remarquable.

[Français]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je déclare le débat sur cette interpellation terminé.

L'Ontario

La Loi sur la restructuration régionale-Le refus du gouvernement ontarien d'adopter la recommandation visant à faire d'Ottawa une ville bilingue-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Marie-P Poulin, ayant donné avis le jeudi 9 décembre 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la décision du gouvernement de l'Ontario de ne pas adopter une recommandation visant à faire d'Ottawa une ville bilingue après sa restructuration proposée.

- Honorables sénateurs, le 7 décembre dernier, j'ai déclaré ma surprise et ma déception devant le fait que l'on ne déclare pas officiellement la dualité linguistique de la capitale de ce pays bilingue, dans le projet de loi de la restructuration régionale actuellement à l'étude à Queen's Park. Le jeudi 9 décembre, j'ai déposé un avis d'interpellation. Pourquoi le gouvernement de l'Ontario a-t-il choisi de ne pas suivre la recommandation de son aviseur, M. Glen Shortliffe?

Quel message envoie-t-on aux Canadiens de notre pays? Quel respect démontre-t-on pour la Constitution du Canada? Quelle reconnaissance accorde-t-on à la réalité des minorités linguistiques de l'Ontario, du Québec, des provinces atlantiques, de l'Ouest et du Grand Nord? Quel respect entretient-on pour Ottawa, siège du Parlement canadien, pour la fonction publique fédérale, pour les ambassades du monde entier? Honorables sénateurs, plusieurs d'entre nous désirons intervenir sur les nombreuses questions soulevées par mon interpellation, entre autres le sénateur Jean-Robert Gauthier.

[Traduction]

Honorables sénateurs, écoutons le sénateur Gauthier. Ses 40 ans d'engagement envers le principe fondamental du respect de l'histoire de notre pays et du caractère exceptionnel de nos deux cultures fondatrices nous seront fort utiles dans cette interpellation. Entre-temps, je garderai mes observations de fond pour mon discours qui mettra fin à cette interpellation, plus tard.

[Français]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord remercier le sénateur Poulin de sa gentillesse et de ses bonnes paroles. C'est un sujet assez épineux et, pour être bien franc, frustrant. En tant que personne née à Ottawa, résidant à Ottawa et y ayant vécu toute sa vie, je trouve ce débat difficile. Le 6 décembre dernier, le gouvernement de l'Ontario a présenté un projet de loi concernant la fusion de municipalités dans Ottawa-Carleton et d'autres régions en Ontario, pour en faire des cités uniques.

La législation concernant la région d'Ottawa-Carleton repose en grande partie sur le rapport de M. Glen Shortliffe, expert-conseil qui avait été nommé par la province pour étudier la réforme locale. Son rapport, rendu public le 26 novembre 1999, contenait de nombreuses recommandations concernant la nouvelle cité.

Une de ces recommandations proposait que la nouvelle cité d'Ottawa, amalgamée, soit institutionnellement bilingue. Or la province, dans son projet de loi, n'a pas choisi cette recommandation faisant de la capitale du pays une ville officiellement bilingue. La législation dit que: «une fois la cité organisée, elle aura le pouvoir de décider de ses propres politiques linguistiques».

Actuellement, cinq des villes sont bilingues dans la région de la capitale nationale, c'est-à-dire dans la région ontarienne d'Ottawa-Carleton. Il s'agit de Cumberland, Gloucester, Ottawa, Vanier et la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton. Dans son rapport sur la restructuration, M. Shortliffe recommande que la cité d'Ottawa, c'est son nouveau nom officiel, soit bilingue.

Dans la préface de son rapport, il dit que la région est une «mosaïque unique» de francophones et d'anglophones dans cette région. Il justifie sa recommandation en écrivant:

Une des questions les plus importantes soulevées durant les consultations publiques fut la question du bilinguisme institutionnel. Plus de 15 p. 100 de la nouvelle Cité d'Ottawa sera francophone. Ottawa est une ville unique dans cette province et dans ce pays car elle est la capitale du Canada.

Notre nation a deux langues officielles, on le sait. Le gouvernement national fonctionne selon la Loi sur les langues officielles; l'anglais et le français. La capitale nationale doit refléter le caractère de tout le pays et doit reconnaître la présence dans sa population d'une importante minorité francophone. En conséquence, je cite encore M. Shortliffe dans son rapport:

Je recommande que la loi habilitante établisse et désigne la Cité d'Ottawa officiellement bilingue, en français et en anglais.

Je dois noter que M. Shortliffe a, de façon explicite, recommandé que la nouvelle cité soit désignée bilingue par la législature de l'Ontario et non pas par le nouveau conseil de la municipalité d'Ottawa. De plus, M. Shortliffe a noté qu'il sera du ressort du haut conseil de la cité d'Ottawa de déterminer la portée et la nature des services qui seront disponibles dans les deux langues officielles du pays.

Il est vrai que, dans la Constitution canadienne, la réglementation des gouvernements municipaux est entièrement de juridiction provinciale. Dans le cas de la région d'Ottawa-Hull, il y a un autre niveau d'autorité établi par le gouvernement fédéral qui s'appelle la Commission de la capitale nationale, c'est-à-dire la région de la capitale nationale.

En effet, le Parlement canadien a adopté, en 1958, une loi intitulée: Loi de la capitale nationale, qui est entrée en vigueur le 6 février 1959. Elle prévoyait le développement et l'amélioration de la capitale nationale englobant 1800 mille carrés, comprenant la ville d'Ottawa, une partie de la province de l'Ontario et une partie de la province du Québec. La région entourant la ville d'Ottawa est décrite comme étant «le siège du gouvernement du Canada». La loi créa la Commission de la capitale nationale, qui succédait à la Commission du district fédéral. L'autorité de créer la région de la capitale nationale a été établie par le pouvoir constitutionnel résiduel, soit «Lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada».

Il y a plusieurs options disponibles permettant de corriger cette décision de la province de l'Ontario concernant le bilinguisme dans la capitale fédérale. Les tribunaux pourront s'en servir pour clarifier cette question. Je ne suis pas avocat, mais je suis certain qu'il y aura des difficultés. Les législatures provinciales ont l'autorité d'adopter des lois concernant les municipalités. Le gouvernement de l'Ontario était libre d'accepter ou de rejeter la recommandation de M. Shortliffe. Tout de même, la récente décision des tribunaux de l'Ontario concernant l'Hôpital Monfort pourrait servir d'argumentation dans la poursuite. Vous savez tous que ladite décision de la Cour divisionnaire a été portée en appel et j'espère qu'on réussira à obtenir justice un jour en ce qui concerne les services de santé en Ontario.

(1820)

Le 29 novembre 1999, la Cour divisionnaire de l'Ontario, dans un jugement unanime, a rejeté la directive de la Commission sur la restructuration des services de santé, qui avait ordonné la fermeture de l'Hôpital Montfort comme hôpital général pour en faire une grosse clinique. Le tribunal a statué que l'Hôpital Montfort était nécessaire à la préservation de la communauté francophone dans la province de l'Ontario. La cour a dit que la commission n'était pas libre d'ignorer le rôle constitutionnel que joue l'Hôpital Montfort comme centre vraiment francophone nécessaire à la promotion et au développement de l'identité franco-ontarienne. La minorité francophone de l'Ontario est une entité culturelle et linguistique et elle a besoin de ses institutions qui protègent sa culture et sa langue contre l'assimilation.

Les juges ont affirmé que le gouvernement de l'Ontario se doit de respecter le principe de la protection des minorités dans tous ses actes. Ils étaient d'accord pour dire que les francophones ont un droit constitutionnel les protégeant contre l'assimilation, car ils font partie d'une communauté culturelle au Canada et sont l'un des deux groupes linguistiques dont les droits sont enchâssés dans la Constitution. La cour déclarait, et je cite:

[...] étant donné que le principe de la protection des minorités - notamment la protection de la minorité francophone - est un principe indépendant qui sous-tend la Constitution et qui a un effet contraignant sur les gouvernements, la cour doit intervenir, lorsqu'il y a lieu, pour assurer une protection contre les mesures gouvernementales qui vont à l'encontre de ce principe.

Certains considèrent la décision rendue dans le cas de l'Hôpital Montfort comme un exemple inacceptable de militantisme judiciaire. Le National Post a élaboré à ce sujet. Si vous êtes intéressés, allez-y, mais ne vous choquez pas. Par contre, d'autres estiment qu'elle offre peut-être une arme puissante pour la protection des droits des minorités. La décision s'inspirait largement des deux jugements que la Cour suprême du Canada a rendus récemment, l'un dans l'affaire du Renvoi sur la sécession du Québec et l'autre dans l'affaire Beaulac, jugements dans lesquels elle a maintenu le droit d'un homme de la Colombie-Britannique à un procès bilingue.

Nous apprenions hier que la Commission de restructuration des services de santé demandait l'autorisation d'interjeter appel de la décision rendue par la Cour divisionnaire au sujet de l'Hôpital Montfort. Le gouvernement a déclaré qu'il appuyait sans réserve cet appel.

Même si une action en justice ne réussissait pas à obliger le gouvernement de l'Ontario à désigner la nouvelle ville d'Ottawa comme officiellement bilingue, elle pourrait servir à des fins de politique publique. Elle aurait certainement pour effet de mieux faire connaître la question. Si elle devait retarder le regroupement des municipalités régionales, des pressions s'exerceraient sur le gouvernement provincial; par contre, elle risque de provoquer l'opposition et le ressentiment de ceux qui tiennent à régler une fois pour toutes la question du regroupement.

Le Sénat a pour objet de représenter les régions du pays et surtout de protéger les minorités. Une motion pourrait être déposée au Sénat demandant au gouvernement de l'Ontario de désigner la nouvelle ville d'Ottawa comme officiellement bilingue. À cet égard, il est à noter que l'Assemblée nationale du Québec a adopté une motion semblable. Le Parlement fédéral peut ne pas vouloir se mêler d'une affaire clairement provinciale; par contre, le gouvernement de l'Ontario n'hésite pas à se mêler des affaires fédérales en matière fiscale. Il nous fait des recommandations quasiment à tous les jours pour baisser les taxes. Si ce n'est pas de l'ingérence provinciale, je ne sais pas ce que c'est.

Outre le fait qu'il y a une minorité francophone appréciable dans la région d'Ottawa, les tribunaux reconnaissent de plus en plus la protection des minorités comme un principe sous-jacent de la Constitution, un principe qui a une valeur constitutionnelle.

Le récent jugement concernant l'Hôpital Montfort portait sur la question de savoir si l'enseignement francophone devait être remplacé par une institution bilingue. Le projet de regroupement de la ville d'Ottawa, par contre, ne concerne que la question du bilinguisme. Néanmoins, il est significatif que certaines des municipalités qui seront regroupées, notamment, Vanier, Gloucester et Cumberland, ont une population francophone appréciable ainsi qu'une longue tradition de bilinguisme officiel. Le manque de protection de ces collectivités dans la nouvelle ville soulève des questions semblables à celles que soulevait l'affaire de l'Hôpital Montfort.

On pourrait toujours laisser la nouvelle ville d'Ottawa décider si elle souhaite être déclarée officiellement bilingue. Elle pourrait choisir de ne pas le faire ou revenir plus tard sur sa décision. Pour plus de sûreté, il vaudrait mieux que la loi provinciale habilitante traite de la question.

La question du bilinguisme peut être très controversée, comme dans le cas de l'affaire David Levine et celle de l'Hôpital Montfort. Il serait plus responsable de la part du gouvernement de l'Ontario de faire preuve de leadership en décidant de désigner dès le départ la ville regroupée comme officiellement bilingue.

Le rapport de M. Shortliffe est soigneusement rédigé et intégré. Comme il le déclare, le caractère francophone et anglophone de la région fait partie de sa mosaïque unique. Le gouvernement de l'Ontario devrait mettre en oeuvre cette importante recommandation.

Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Monro en 1966, la Cour suprême du Canada établit clairement le pouvoir du gouvernement fédéral sur la région de la capitale nationale. C'est là quelque chose qui devrait ou qui déjà distingue Ottawa de ses environs et des autres régions de l'Ontario.

La Cour supérieure de l'Ontario a de plus rappelé les quatre principes qui sous-tendent notre Constitution: la démocratie, le fédéralisme, le constitutionnalisme et la protection des minorités, particulièrement la minorité francophone. Ces principes ont été établis par la Cour suprême du Canada dans les causes énumérées précédemment, le Renvoi de la sécession du Québec et l'affaire Beaulac.

La position du gouvernement en Ontario semble vouloir laisser à la ville d'Ottawa sa désignation de ville officiellement bilingue. Il est possible que cette procédure découle de deux raisons: le refus du gouvernement provincial d'être perçu comme pro-francophone et, deuxièmement, son désir de ne pas ouvrir la porte au bilinguisme officiel de l'Ontario, tel que décrit dans la Constitution du pays à l'article 133.

En conclusion, honorables sénateurs, j'insiste pour dire que la ville d'Ottawa est unique. Elle est la capitale nationale d'un pays officiellement bilingue. Si elle doit rester la capitale nationale, je dis bien si, et continuer de jouir des avantages reliés à ce statut, elle devrait être officiellement bilingue.

En plus de son rôle de capitale nationale, la ville d'Ottawa est située à la frontière du Québec et de l'Ontario. Elle a une histoire et une culture francophones riches et compte une minorité francophone appréciable.

À une époque de tension croissante concernant la Confédération et la sécession du Québec, la question de la nature bilingue de la capitale nationale revêt une importance symbolique.

Outre le fait qu'il y a une minorité francophone appréciable dans la région d'Ottawa, les tribunaux reconnaissent de plus en plus la protection des minorités comme un principe sous-jacent de la Constitution, un principe qui a une valeur constitutionnelle.

Je dois dire que j'ai été agréablement surpris de lire l'éditorial du Globe and Mail d'hier concernant la question où on disait: «A bilingual Ottawa is a better Canada». Le Globe and Mail n'a pas été aussi généreux envers la question de l'Hôpital Monfort.

L'avenir est à ceux qui luttent. C'est la devise du journal Le Droit, notre quotidien francophone en Ontario. C'est ce que nous ferons.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, la décision du gouvernement de la province de l'Ontario de passer outre à la recommandation de son propre conseiller spécial, M. Glen Shortliffe, en ne reconnaissant pas le statut de ville bilingue à la nouvelle ville émanant de la fusion des 11 municipalités de la grande région d'Ottawa, nous interpelle tous en tant que Canadiens.

Outre le fait qu'elle abolit d'un trait de plume le résultat de plusieurs années de lutte et qu'ainsi, elle fragilise à nouveau la communauté minoritaire franco-ontarienne, elle heurte de front la conception fondamentale, l'idéal que nous nous sommes fait de ce pays où, dans sa capitale nationale, ses deux grandes communautés linguistiques fondatrices peuvent vivre dans l'harmonie, se développer et s'enrichir au contact l'une de l'autre.

[Traduction]

Les gouvernements précédents des honorables John Robarts, Bill Davis, David Peterson et Bob Rae n'auraient pas été aussi insensibles.

[Français]

(1840)

Le gouvernement Harris ne s'en est pas rendu compte, mais il attaque l'idée canadienne dans ses fondements mêmes. Il y a dans ce geste une dénégation de nos aspirations, une ignorance inquiétante des efforts de ceux et celles qui nous ont précédés, et une sorte de repli sur les préjugés et l'indifférence qui, croyions-nous, avaient disparu chez les leaders qui nous gouvernent.

Ottawa n'est pas une ville comme les autres. C'est la principale assise de la capitale du Canada. C'est une composante essentielle de la capitale nationale; c'est là que se trouvent les institutions les plus importantes de notre vie démocratique: le Parlement du Canada, la Cour suprême du Canada et le représentant du Souverain, qui est la tête de notre ordre constitutionnel.

Le gouvernement et le Parlement du Canada opèrent dans les deux langues officielles du pays. La Constitution canadienne y pourvoit et la Cour suprême du Canada l'a éloquemment démontré dans son arrêt du 20 août 1998 sur la sécession du Québec.

Cet arrêt est fondamental pour comprendre les principes qui nous régissent et qui sont à la base de notre vie démocratique. Ces principes, rappelons-le, sont au nombre de quatre: le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la règle de droit, et enfin, et non le moindre, la protection des droits des minorités. C'est sur ce dernier principe, «la protection des droits des minorités», que je voudrais attirer votre attention.

Honorables sénateurs, je suis d'avis que la décision du gouvernement ontarien d'abolir les lois antérieures de la ville d'Ottawa et de Vanier, qui leur reconnaissaient le statut de ville «bilingue», pour les remplacer par une autre loi où cette protection est disparue, est, à mon avis, anticonstitutionnelle et contraire au principe fondamental de protection des droits des minorités linguistiques reconnus par la Cour suprême du Canada dans son arrêt du 20 août 1998.

Comment pouvons-nous demeurer passifs devant la man9uvre qui consiste à abolir le statut bilingue de deux villes, Ottawa et Vanier, pour les fondre dans un grand tout fusionné, ignorant systématiquement l'impact qu'une telle initiative aura sur les droits de la communauté minoritaire de langue officielle?

Comprenez bien le précédent; il suffit de procéder par le mécanisme des grandes fusions pour faire fi de 132 ans de lutte. On l'a vu récemment dans l'exemple de l'Hôpital Montfort. Il a suffi de vouloir le fusionner avec trois autres hôpitaux de la région d'Ottawa-Carleton pour le faire disparaître d'un trait de plume.

La Cour supérieure de l'Ontario a récemment, le 29 novembre dernier, dans un jugement unanime de trois juges, cassé cette décision au motif qu'elle était inconstitutionnelle, parce que contraire à la protection des droits de la minorité franco-ontarienne.

Permettez-moi de rappeler les éléments essentiels du jugement de la Cour de l'Ontario dans cette affaire. La cour a d'abord reconnu que l'Hôpital Monfort jouait un rôle qui desservait largement la région d'Ottawa-Carleton pour s'étendre à la province entière. Elle a de plus souligné que la communauté franco-ontarienne devait lutter constamment contre les forces d'assimilation pour pouvoir survivre.

La cour a ajouté, et je cite:

[Traduction]

Cependant, contrairement à d'autres minorités, la langue et la culture francophones au Canada, comme la langue et la culture de la majorité anglophone, ont droit à un statut particulier en vertu de la Constitution du Canada.

Cet extrait figure à la page 6 du jugement.

[Français]

Pour survivre, ces communautés linguistiques doivent pouvoir s'appuyer sur un réseau d'institutions qui supportent leur développement et limitent les forces d'assimilation. Je cite:

[Traduction]

Le caractère francophone de leurs institutions est donc devenu de plus en plus important pour remplir le rôle qui consiste à préserver et à protéger cette culture.

Ce passage est tiré de la page 7 du jugement.

[Français]

En d'autres mots, des institutions qui dispensent des services dans la langue française sont vitales pour la survie de cette communauté, et la cour d'ajouter:

[Traduction]

Ainsi, ces institutions doivent exister dans une gamme de sphères d'activités sociales aussi vaste que possible pour permettre à la communauté minoritaire de se développer et de maintenir sa vitalité.

Les institutions sont aussi des symboles importants pour la communauté franco-ontarienne. Elles reflètent l'identité de groupe, la présence française en Ontario et au Canada, la réalité française dans la vie publique et la force et la vitalité de la communauté.

Cet extrait se trouve à la page 7 du jugement.

[Français]

La cour a reconnu l'importance de la langue française pour soutenir la vie de la communauté.

[Traduction]

La langue française est l'élément culturel fondamental de la communauté franco-ontarienne.

On trouve cela à la page 8 du jugement.

[Français]

Honorables sénateurs, toutes ces caractéristiques ne s'appliquent-elles pas lorsqu'il s'agit de la nouvelle ville d'Ottawa, où les francophones sont plus de 125 000 citoyens et représentent plus de 15 p. 100 de la population globale?

La ville d'Ottawa n'est-elle pas, pour la plus grande part, l'assise territoriale de la Commission de la capitale nationale, elle-même organisme bilingue?

Comment les francophones du pays, qui séjournent dans la capitale pour y représenter leur région, réagissent-ils face à l'indifférence du gouvernement ontarien à l'égard du symbole même de la vie nationale? Des maires d'Ottawa l'avaient déja compris.

Pourquoi annuler des années d'harmonie linguistique pour forcer à nouveau les francophones à retourner sur la barricade des revendications? Pourquoi susciter à nouveau les tensions politiques quand la paix linguistique avait réussi à s'établir dans le respect mutuel?

Non, la décision du gouvernement ontarien est contraire à l'esprit de notre Constitution. Elle viole l'engagement de respect de l'égalité entre les deux communautés, qui est le fondement même du pacte canadien.

La Cour supérieure de l'Ontario l'a bien rappelé: le principe de protection des droits des minorités, et je cite:

[Traduction]

... ne font pas que «décrire» des droits. Ils infusent la vie dans notre Constitution. Bien que ce soit des principes sous-jacents et non écrits de la Constitution, ils pourraient néanmoins faire naître des droits juridiques substantiels qui limiteraient sensiblement l'action du gouvernement; en outre, ces principes sont «aussi investis d'une force normative puissante et lient à la fois les tribunaux et les gouvernements».

À cet égard, la cour citait le Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998, 2 R.C.S. 217], pages 248 et 249 de l'avis du tribunal.

[Français]

Le Canada, a dit la Cour suprême, est une démocratie constitutionnelle. Dit simplement, le principe du constitutionnalisme requiert que toute action du gouvernement respecte la Constitution.

[Traduction]

On trouve cela à la page 8 du jugement.

[Français]

L'initiative législative du gouvernement ontarien, qui abolit le statut de ville bilingue pour la nouvelle ville d'Ottawa...

[Traduction]

... doit être mesurée à l'aune de la «protection des minorités», l'un des principes structurants fondamentaux de la Constitution. Si la conduite est fautive et viole ce principe, la cour de révision doit intervenir...

Cela se trouve à la page 20 du jugement.

[Français]

Honorables sénateurs, il nous faut tirer les conclusions qui s'imposent.

[Traduction]

Vu que le principe de la protection des minorités - et surtout des minorités francophones - est un principe indépendant et sous-jacent de la Constitution, un principe doté d'une force normative puissante qui lie le gouvernement, la cour doit intervenir au besoin pour protéger lesdites minorités contre toute intervention du gouvernement qui va à l'encontre de ce principe.

Cet extrait se trouve à la page 23 du jugement.

[Français]

Les citoyens francophones de la ville d'Ottawa et de Vanier, et, à un autre degré, ceux des villes de Cumberland et de Gloucester, perdront leur droit de recevoir de la nouvelle ville des services en français. Il en ira de même pour les autres Canadiens qui séjournent à Ottawa pour y représenter leurs commettants, leur région ou leur district sénatorial, comme c'est le cas pour moi-même.

Il nous faut donc signifier au gouvernement ontarien que s'il refuse de reconsidérer la législation qui abolit pour la nouvelle ville d'Ottawa le statut de ville bilingue, une poursuite sera entreprise devant les tribunaux ontariens compétents pour faire déclarer nulles et non avenues les dispositions du projet de loi qui aboliraient la reconnaissance du français dans les statuts de la nouvelle ville.

(1840)

Honorables sénateurs, il y a une injustice profonde à retirer un droit par suite d'une initiative de fusion qui vise à noyer dans un grand tout une communauté qui disposait auparavant d'un droit protégé.

Il serait vraiment trop simple de procéder ainsi pour contourner les principes qui sont à la base de notre ordre constitutionnel.

La capitale du pays doit aussi être le symbole de la culture francophone; si elle ne s'y développe pas là, où peut-elle prétendre rayonner ailleurs, dans d'autres villes canadiennes? C'est là l'idéal même qui est à la base de l'identité et de la caractéristique de notre pays. Cet idéal n'est pas atteint, et il faut toujours y travailler, il n'y a pas de repos pour ceux qui le servent.

Nous ne pouvons permettre que des politiciens provinciaux, à courte vue, dénués de vision nationale, attaquent ainsi notre idéal sans que nous ne réagissions avec les moyens que la loi fondamentale de notre pays nous garantit. Ne laissons pas ce geste devenir le symbole de la défaite de notre communauté, incapable de tailler sa place dans la capitale de notre pays.

Honorables sénateurs, c'est ma ferme intention de m'engager à ce qu'une action en invalidité soit entreprise contre la loi ontarienne qui refuserait de reconnaître les droits acquis de la minorité francophone d'Ottawa et de tous les citoyens de ce pays qui croient profondément en l'égalité de statut des deux langues officielles.

Prouvons qu'une fois qu'un gouvernement a reconnu un bénéfice de statut à notre communauté, il ne peut plus agir de manière discriminatoire, et créer à nouveau l'inégalité.

Il y a 23 ans, j'entamais des poursuites contre le ministre des Transports de l'époque de mon propre gouvernement, pour faire déclarer nul un règlement interdisant l'usage du français dans les cabines de pilotage; il y a 23 ans, j'entamais aussi une poursuite contre Air Canada, société de la Couronne, pour l'amener à se doter d'outils pour faire du français une langue de travail en aéronautique. Les deux actions ont été accueillies favorablement par les tribunaux canadiens.

Il y a 17 ans, à titre de secrétaire d'État du Canada, je contribuais à mettre sur pied le programme de contestation judiciaire pour aider les communautés minoritaires de langues officielles à faire respecter leurs droits. Encore aujourd'hui, il faudra faire appel à ce programme pour appuyer notre détermination à en garantir la survie et le rayonnement.

Le gouvernement ontarien a décidé de porter le jugement de l'Hôpital Monfort en appel. Il a cru opportun d'en contester la légitimité. Poursuivons la lutte, si nécessaire, jusqu'en Cour suprême du Canada, là où nos droits doivent recevoir leur dernière reconnaissance.

J'invite donc les sénateurs Marie-P. Poulin, Jean-Robert Gauthier ainsi que les citoyens d'Ottawa et de tout le Canada à recourir aux tribunaux pour protéger leurs droits et ceux de tous ceux qui croient en un pays où l'égalité du français et de l'anglais est un idéal de civilisation et de liberté unique pour la dignité humaine.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'aurais quelques questions à poser au sénateur Joyal.

Son Honneur le Président: Puisque le temps accordé au sénateur Joyal est écoulé, permettez-vous à l'honorable sénateur de continuer à poser des questions?

Des voix: D'accord.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, il commence à être tard et certains d'entre nous ont des obligations. Nous avons accepté de ne pas tenir compte de l'heure, mais il ne faudrait pas exagérer. Je reconnais que la question est importante, mais nous devrions tenir compte des sénateurs de deux côtés du Sénat, qui ont peut-être des engagements à respecter.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je garderai l'observation du chef de l'opposition à l'esprit et je serai bref.

La question est importante. Nous avons entendu trois sénateurs francophones parler de ce sujet. J'ai une observation et une question à présenter à l'honorable sénateur.

Personnellement, je trouve incompréhensible que la politique bipartite du gouvernement de l'Ontario n'ait pas été d'aller de l'avant de façon énergique. Les premiers ministres Robarts et Davis, du Parti conservateur, le premier ministre Peterson, du Parti libéral, ainsi que le premier ministre Rae, du NPD, seraient certainement irrités - et j'espère que nous les entendrons donner leur avis - devant cette diversion et ces gamineries du gouvernement de l'Ontario. Je dis cela à titre de sénateur de la région de Toronto.

Si l'honorable sénateur va de l'avant avec son recours devant les tribunaux, je serai heureux de faire front commun avec lui à titre de sénateur représentant Toronto. Il est important que des sénateurs non francophones fassent état de leur insatisfaction devant les politiques adoptées dans la région qu'ils représentent.

Ma question au sénateur Joyal est la suivante: en plus des recours devant les tribunaux, le sénateur a-t-il envisagé d'autres mesures qui permettraient de faire avancer les choses beaucoup plus rapidement? La première consisterait à élargir la zone géographique de la Commission de la capitale nationale, ce qui, j'imagine, pourrait se faire par un projet de loi d'initiative parlementaire présenté au Sénat. Par conséquent, il serait clair que tout le territoire de la capitale nationale est bilingue. Deuxièmement, a-t-il envisagé le recours au pouvoir de révocation de la loi provinciale dont dispose le gouvernement fédéral?

[Français]

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, la question que le sénateur Grafstein soulève est une question qui, en droit, est complexe.

[Traduction]

Il y a un chevauchement de compétences entre les responsabilités de la Commission de la capitale nationale et celles de la ville d'Ottawa, qu'il s'agisse de la ville que nous connaissons ou de celle à venir. La Commission de la capitale nationale ne possède pas la compétence lui permettant de fournir des services municipaux dans des domaines comme ceux des incendies, de la police, des installations de loisirs, et cetera. Ces responsabilités sont le propre d'une structure d'administration qui, dans notre Constitution, porte l'appellation d'«administration municipale». Ce sont des administrations qui relèvent totalement de la compétence provinciale.

Selon la Commission de la capitale nationale, les dispositions relatives à la planification urbaine comprennent d'autres responsabilités, particulièrement en rapport avec la présence du gouvernement fédéral. Je parle ici des services d'administration et autres qui, jusqu'à un certain point, recoupent ceux de l'administration municipale.

Même si nous devions étendre les limites de la Commission de la capitale nationale pour qu'elles regroupent l'ensemble du territoire occupé par la nouvelle ville, les limites de la nouvelle ville d'Ottawa seraient régies par la loi comme c'est le cas de la ville actuelle.

En ce qui concerne le pouvoir de révocation, les honorables sénateurs comprendront que c'est une question très complexe. La Cour suprême du Canada a décrété qu'un pouvoir ne peut être éteint tant et aussi longtemps qu'il figure dans la Constitution. Toutefois, c'est là une question sur laquelle devrait se pencher le gouvernement du Canada si une recommandation était faite au Gouverneur général du Canada dans ce contexte et en tenant compte du fait que ce pouvoir n'a pas été utilisé depuis très longtemps. S'il était utilisé, ce serait dans des circonstances exceptionnelles. Ce pourrait être là un raccourci pour aboutir à la solution que nous souhaitons, mais il existe d'autres moyens qui pourraient être tout aussi efficaces. Il serait utile pour tous les Canadiens de toutes les provinces qu'une décision soit prise dans ce dossier.

Je vois que le sénateur Lynch-Staunton est présent, de l'autre côté de la Chambre. Il sait que North Hatley et Ayer's Cliff sont en train de fusionner dans le même contexte. Toutefois, si ces villes fusionnent, North Hatley perdra le statut de ville bilingue que lui reconnaît l'alinéa 13f) de la Loi sur la langue française au Québec. Ils veulent fusionner les services. Quelque 40 p. 100 de la population de la nouvelle ville seraient de langue anglaise, ce qui se traduirait par la perte de leur statut bilingue.

Par conséquent, le problème ne vaut pas uniquement pour Ottawa. C'est un problème que l'on retrouve à l'échelle du pays car, lorsque l'on applique une politique de fusion, la minorité est réduite à une si petite taille que rien ne justifie la prestation de services. Cette question revêt une telle importance qu'il est impossible de lui apporter une solution par le biais du pouvoir de révocation. Il est très important dans ce pays que les droits individuels de la minorité, qu'elle soit de langue anglaise ou de langue française, soient garantis. En d'autres mots, une fois que ces droits ont été reconnus, ils ne peuvent être indirectement réduits par des objectifs administratifs qui sont sains sur le plan financier mais qui équivalent à la suppression totale de ces mêmes droits pour la minorité.

(1850)

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion de maintien de la procédure de sanction royale-Maintien de la motion

À l'appel de la motion no 43:

Que le Sénat du Canada affirme la procédure de sanction royale au Sénat, telle qu'elle est décrite par les autorités en procédure parlementaire Norman Wilding et Philip Laundy: «La cérémonie pratiquée au Canada est celle qui semble s'apparenter le plus à l'original».

Que le Sénat réaffirme le droit souverain de Sa Majesté, tel qu'il est énoncé dans la Loi constitutionnelle de 1867, et qui lui confère la prérogative de sanctionner les procédures parlementaires et les projets de loi étudiés, mis aux voix ou adoptés dans les deux Chambres du Parlement;

Que le Sénat, en tant que Chambre où Sa Majesté confère la sanction royale, affirme son droit constitutionnel ancestral comme Chambre du Parlement où convergent les travaux des trois branches du Parlement agissant ensemble en tant que Parlement du Canada;

Que le Sénat affirme le droit du Parlement, le «lex parliamenti», la loi ancestrale qui dispose que le consentement royal est exigé pour l'étude par le Parlement de tout projet de loi ou toute procédure parlementaire qui modifierait la prérogative de Sa Majesté;

Que le Sénat affirme que la procédure parlementaire à suivre par un député pour obtenir le consentement royal est de déposer à cet effet une motion portant adresse à Sa Majesté, qui se distingue des autres formes de requête de consentement royal auxquelles ont accès le premier ministre ou les ministres dans l'exercice de leurs responsabilités ministérielles;

Que le Sénat affirme l'obligation d'obtenir le consentement de Sa Majesté avant que soit étudié un projet de loi qui affectera la prérogative royale, à l'exemple du consentement royal qui a été donné par la reine Elizabeth II au Royal Assent Bill de 1967, qui a été rendu à la Chambre des lords du Royaume-Uni par le Grand chancelier Gardiner à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi, le 2 mars 1967:

«Vos Seigneuries, je suis chargé par Sa Majesté la Reine d'informer la Chambre que Sa Majesté, ayant été informée de l'objet du projet de loi, consent à mettre sa prérogative et son intérêt, dans la mesure où ils sont affectés par le projet de loi, à la disposition du Parlement aux fins du projet de loi.»

et qui a été prononcé quelques semaines plus tard, le 17 avril 1967, à la Chambre des communes du Royaume-Uni par le procureur général sir Elwyn Jones:

«Je suis chargé par la Reine d'informer la Chambre que Sa Majesté, ayant été informée de l'objet du projet de loi, consent à mettre sa prérogative et son intérêt, dans la mesure où ils sont affectés par le projet de loi, à la disposition du Parlement aux fins du projet de loi.

J'ai l'honneur de proposer que le projet de loi soit maintenant lu une deuxième fois.»

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Même si le parrain de cette motion, le sénateur Cools, n'est pas présent, si je ne soulève pas cette question maintenant, je pourrais être accusé de ne pas l'avoir soulevée dès que j'ai pu le faire. Je propose donc que la règle de l'anticipation soit invoquée dans le cas présent. Effectivement, si cette motion est inscrite au Feuilleton, la même question y figurera une deuxième fois. La première entre en conflit avec la seconde. Comme le prévoit le commentaire 512(1) de la sixième édition du Beauchesne:

(1) L'interdiction d'anticiper, en d'autres termes l'interdiction d'aborder plus tôt que prévu une affaire inscrite au Feuilleton, découle du même principe que la règle qui interdit de soulever deux fois la même question au cours d'une session.

J'attire également votre attention sur le commentaire 512(2).

J'invoque le Règlement parce que j'estime que le projet de loi S-7 est une façon de procéder plus efficace que la motion du sénateur Cools. Par conséquent, le projet de loi S-7 devrait avoir préséance, et la motion du sénateur ne devrait pas figurer au Feuilleton.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Cools n'est pas ici présentement. Je demanderais donc aux honorables sénateurs d'avoir l'indulgence d'au moins lui donner l'occasion de se prononcer sur le recours au Règlement du sénateur Lynch-Staunton. Je propose donc de reprendre la discussion sur le recours au Règlement demain, en présence de l'honorable sénateur.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous ne sommes saisis d'aucune motion actuellement. Un avis de motion a été donné par l'honorable sénateur Cools. Par conséquent, il n'y a rien sur quoi je puisse rendre une décision.

Je comprends toutefois le point de vue qu'a fait valoir l'honorable sénateur Lynch-Staunton. J'ai examiné la situation, mais je ne peux rien faire tant que nous ne serons pas saisis de la motion. Le moment venu, je serai heureux de réfléchir à la question concernant le Règlement.

(Le débat est reporté.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi le 15 décembre 1999, à 13 h 30.)


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